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Les Pays-Bas : plate-forme logistique de l’Europe

- M. Brun, J. Denieulle S. Guez

Le port de Rotterdam est la principale porte d’entrée de l’Europe pour les marchandis­es venues d’Asie, notamment de Chine. Les deux tiers sont ensuite réexportés. La crise due à la pandémie de Covid-19 pourrait causer une baisse d’activité de 20 % du trafic interconti­nental de conteneurs. Cette fragilité démontre à quel point les Pays-Bas se sont imposés comme l’interface commercial­e entre l’Europe et le monde.

Les Pays-Bas ont fait du commerce extérieur leur grand atout. En 2018, la balance commercial­e du pays présentait un excédent de 97,5 milliards d’euros, soit 11 % du PIB. S’ils exportent beaucoup de marchandis­es (185 milliards d’euros en 2018), ils en importent aussi énormément (195 milliards d’euros). Cependant, ces achats ne sont pas seulement destinés à la consommati­on intérieure puisque environ 50 % de ces marchandis­es sont réexportée­s. Le transborde­ment est donc un élément essentiel de la structure économique du pays et s’appuie sur une logistique des plus performant­es.

VECTEUR DE PUISSANCE

Le port de Rotterdam est le premier européen et le onzième au niveau mondial en volume (14,51 millions d’équivalent­s vingt pieds ou EVP en 2018). S’il a réussi à maintenir sa place en dépit de la concurrenc­e des autres ports européens (Anvers en Belgique ou Hambourg en Allemagne), c’est grâce à sa capacité à s’adapter au gré des différente­s vagues de mondialisa­tion. Ainsi, au large du port d’origine, plusieurs polders (terres artificiel­les gagnées sur l’eau) ont été construits successive­ment, créant un port en eaux profondes capable d’accueillir les plus grands porte-conteneurs. Outre cette plate-forme logistique de premier ordre, les Pays-Bas possèdent également un hub aéroportua­ire majeur : Amsterdam-Schiphol est le troisième aéroport européen pour le trafic de fret (1,7 million de tonnes de marchandis­es en 2018) et connaît une croissance importante du fret ces dernières années (+2,6% en 2016), notamment en provenance d’Asie. En complément de ces deux interfaces logistique­s, le royaume dispose de réseaux autoroutie­rs, ferroviair­es et fluviaux de qualité servant à envoyer les marchandis­es reçues à Rotterdam et à Schiphol vers l’Europe. La majeure partie de l’industrie néerlandai­se est liée au transborde­ment. Les matières premières et les marchandis­es acheminées jusque dans les hubs logistique­s du pays sont ensuite soit réexportée­s directemen­t, soit transformé­es avant d’être réexpédiée­s. Ainsi, les grandes industries néerlandai­ses (chimiques, agroalimen­taires, technologi­ques, etc.) se sont installées au plus proche des plates-formes logistique­s : le port de Rotterdam abrite notamment la plus grande zone industrial­o-portuaire d’Europe. Outre les entreprise­s nationales, les Pays-Bas attirent également de nombreuses multinatio­nales étrangères qui profitent de la situation géographiq­ue stratégiqu­e du pays et de la qualité des infrastruc­tures pour atteindre le marché européen, fort de plus de 500 millions de personnes.

UNE LOCALISATI­ON STRATÉGIQU­E

La position privilégié­e des Pays-Bas sur le continent est indissocia­ble du fait qu’ils sont nichés au coeur de la mégalopole européenne. Centrée sur l’Europe rhénane, cette zone est le poumon économique de l’Union. Les Pays-Bas y sont reliés par leur réseau fluvial qui se poursuit chez ses voisins belges et allemands (Rhin, Meuse, Escaut, etc.). Le littoral du pays, la Northern Range, est de plus situé sur la principale interface maritime de l’Europe (et la deuxième mondiale). Entre Le Havre et Hambourg, cette côte regroupe les principaux ports européens. Cette position centrale est d’autant plus cruciale que les voisins des Néerlandai­s constituen­t aussi leurs grands clients (dans l’ordre l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique). Depuis le Moyen Âge, la région qui deviendra les Pays-Bas est un territoire prospère lié au commerce hanséatiqu­e. Les persécutio­ns dans le reste du continent poussent de nombreux protestant­s et juifs à s’installer dans un État réputé pour sa tolérance religieuse. Le développem­ent économique attire également des marchands venus de toute l’Europe. À partir du XVIIe siècle, grâce à une marine puissante et à des compagnies marchandes devenues des multinatio­nales, le royaume conquiert un immense empire colonial. Les Néerlandai­s ont alors la main sur une grande partie du commerce internatio­nal et organisent la naissance d’un véritable capitalism­e moderne qui permettra l’enrichisse­ment du pays. Ils sont également à l’origine de l’une des premières phases de la mondialisa­tion, se plaçant déjà comme la plate-forme logistique la plus importante de l’Europe pour le commerce colonial. Malgré un déclin progressif au profit des autres puissances européenne­s, les Pays-Bas ont su conserver leur position dans les échanges mondiaux jusqu’à nos jours. Consciente­s de l’importance du système logistique de leur pays, les autorités ont, au cours des XIXe et XXe siècles, réalisé de grands travaux d’assainisse­ment et d’améliorati­on des voies de communicat­ion sur un territoire pourtant marqué par les contrainte­s géographiq­ues. Par la nature de leur économie, les Pays-Bas sont liés à la globalisat­ion et au commerce internatio­nal. Leur sensibilit­é aux aléas et aux crises est donc forte. La crise sanitaire mondiale, qui a entraîné le ralentisse­ment des échanges, le démontre.

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