Jeux vidéo : une industrie géopolitique en mutation
Le jeu vidéo est la première industrie de divertissement culturel, générant plus de revenus que le cinéma, la musique, le livre et la télévision. Avec plus de 108 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial en 2019, ce secteur connaît une croissance continue, notamment grâce aux jeux pour supports portables (téléphones, tablettes). Un engouement géographiquement différencié et non dénué d’enjeux géopolitiques par les représentations qu’ils véhiculent.
L’industrie du jeu vidéo s’est développée dès les années 1970 avec l’essor des bornes d’arcade et de jeux comme Pong, Pac-Man et Space Invaders qui ont marqué leur époque, puis avec la commercialisation des consoles et des ordinateurs dans la décennie 1980. L’évolution technologique a permis la création de machines de plus en plus puissantes et de jeux de plus en plus coûteux et sophistiqués. La généralisation des téléphones portables et des tablettes dans les années 2000 offre de nouveaux débouchés à cette industrie, au point de représenter plus de la moitié du chiffre d’affaires de ce secteur. En misant dès l’origine sur une échelle mondiale grâce aux mutations générées par la révolution numérique, le développement de cette industrie connaît depuis lors une croissance ininterrompue.
UN MARCHÉ LONGTEMPS DOMINÉ PAR LES OCCIDENTAUX
Si, dans les années 1970, le marché du jeu vidéo se concentre aux États-Unis, avec des producteurs de jeux majoritairement américains, celui-ci se mondialise dès les années 1980 et se structure durablement autour de trois pôles principaux que sont les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud, ainsi que l’Europe occidentale. Les décennies 1980 et 1990 ont été marquées par la prédominance de marques japonaises – Nintendo, Sega, Sony – et par leur rivalité commerciale, celles-ci jouant le rôle de créateurs, d’éditeurs de jeux et de constructeurs de consoles, et sortant des jeux emblématiques au succès colossal (Super Mario Bros., Sonic, Zelda, Street Fighter 2). Les classements des 100 meilleures ventes de jeux vidéo sur consoles ces dernières années révèlent toujours la prédominance de ces trois pôles avec une domination des maisons d’édition américaines et japonaises, écrasant l’Europe occidentale, bien que le français Ubisoft fasse partie des plus grosses entreprises mondiales de jeux sur consoles. L’absence de la Russie ou de la Chine dans ce secteur s’explique par la méfiance des gouvernements de ces pays envers ce qu’ils considéraient comme une nuisance au développement physique et intellectuel, et imposant de fortes restrictions ou interdictions de production et de commercialisation de consoles (de 2000 à 2014 en Chine). Les éditeurs de ces pays ont donc logiquement fait le choix de délaisser ce marché et de miser sur d’autres supports, comme les jeux vidéo « free to play » sur smartphones ou « massivement multijoueurs » en ligne (League of Legends, Clash of Clans, Arena of Valor), dont le succès permet à Tencent Holdings, entreprise chinoise créée en 1998, de devenir numéro un