Kazakhstan : un géant d’Asie
Immense pays enclavé de 2,7 millions de kilomètres carrés, peuplé de 18,55 millions d’habitants en 2019, le Kazakhstan traverse une période de transition politique sans engager un processus de démocratisation. Sa position géostratégique aux portes de la Chine lui confère une situation de rente inégalement redistribuée.
Après avoir tenu d’une main de fer le pays pendant trois décennies, le président Noursoultan Nazarbaïev a démissionné le 19 mars 2019. Né en 1940, il garde un poste à vie au Conseil de sécurité du pays. Pris de court par cette annonce, les Kazakhs n’ont en revanche pas été étonnés par la désignation de son successeur en la personne du président du Sénat, Kassym-Jomart Tokaïev, dont la première mesure a été de proposer de renommer Astana, la capitale, en Noursoultan.
CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ
Diplomate de carrière sous le régime soviétique (1936-1991), ministre des Affaires étrangères à deux reprises (1994-1999 et 2003-2007), Premier ministre de 1999 à 2002, Kassym-Jomart Tokaïev maîtrise le russe, le mandarin, l’anglais et le français. S’il était censé incarner une transition jusqu’en avril 2020 (fin du mandat présidentiel de cinq ans), le nouveau chef de l’État a convoqué une élection présidentielle anticipée le 9 juin 2019, qu’il a remportée avec 70,8 % des voix au terme d’un scrutin secoué par des accusations d’irrégularités de la part des observateurs internationaux et de nombreux militants prodémocratie. Illustration de sa prise en main progressive du pays, le limogeage, le 2 mai 2020, en pleine crise sanitaire, de Dariga Nazarbaïeva, fille de Noursoultan et numéro deux de l’État, remplacée par Mäulen Äsimbaev, proche de Tokaïev. Dariga Nazarbaïeva occupait jusque-là le poste de présidente du Sénat et avait gravi les échelons dans la perspective de succéder à son père. Depuis septembre 2016, elle était sénatrice, chef de la commission des Affaires internationales, de la défense et de la sécurité, avant de prendre la tête de la Chambre haute en mars 2019, en remplacement de Kassym-Jomart Tokaïev, devenu président par intérim. Le nouveau président fait face à plusieurs défis. Il doit juguler les effets désastreux pour l’économie de la pandémie de Covid-19 qui creuse des inégalités de plus en plus criantes. La population réclame plus de justice sociale ; la précarité est la norme et les services publics sont trop limités.
La société kazakhe a évolué depuis l’indépendance (1991), mais des pratiques patriarcales demeurent, comme les mariages forcés. Le Kazakhstan reste un État autoritaire qui bafoue les Droits de l’homme et la liberté d’expression. Par ailleurs, les Kazakhs constituaient en 1991 une minorité dans leur propre pays, peuplé de Russes, d’Allemands, de Biélorusses, de Tatars, de Coréens et de Tchétchènes déportés sous Joseph Staline (1922-1953). La proportion s’est depuis inversée.
UNE ÉCONOMIE DÉSÉQUILIBRÉE
Premier producteur mondial d’uranium, le Kazakhstan dispose d’abondantes réserves naturelles en pétrole, gaz et charbon. La totalité de l’uranium est exportée, la moitié en Chine. Pour les autorités, ces ressources sont une manne, mais le revers de la médaille est le risque de glisser vers une économie de rente, la croissance du PIB, d’environ 4 % entre 2017 et 2019, étant essentiellement liée aux fluctuations des prix des hydrocarbures.