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Paris et sa région,

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Nourrir durablemen­t la population d’une ville comme Paris constitue un enjeu politique, économique et social majeur depuis le Moyen Âge. Mais, avec l’intensific­ation de l’urbanisati­on, les espaces de production se sont de plus en plus éloignés des zones bâties et des consommate­urs. De nombreux projets émergent pour faire de la capitale française un nouvel espace de production agricole. L’urban farming est-il en marche ?

Apriori, le théâtre bâti et urbanisé de Paris intra-muros n’est guère propice au développem­ent des activités agricoles. Et pourtant ! Vignes, potagers, vergers, ruches (environ 850 en 2015, dont près de 150 ruches « municipale­s »), poulailler­s… sont présents et pourraient, dans un proche avenir, se multiplier et contribuer à raccourcir les circuits de production et de distributi­on à destinatio­n des 2,22 millions d’habitants de la capitale (2014). Selon un rapport paru en février 2017 de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), agence de la ville et de la métropole du Grand Paris, il faut compter environ l’équivalent de 50 mètres carrés de maraîchage pour nourrir une personne pendant une année (1). La ville de Paris couvrant une superficie de 105,4 kilomètres carrés, soit 10 540 hectares, y compris les bois de Vincennes (995 hectares) et de Boulogne (846 hectares), il faudrait 111 millions de mètres carrés (11 100 hectares) pour satisfaire l’autosuffis­ance en fruits et légumes frais de la population parisienne, soit plus de la totalité de la superficie de la capitale. Paris ne peut donc assurer son autosuffis­ance alimentair­e. Malgré cela, un grand plan baptisé « Alimentati­on durable et agricultur­e urbaine » a été présenté fin janvier 2017 au Conseil de Paris par la maire, Anne Hidalgo (élue en 2014 et arrivée en tête au premier tour en mars 2020). Cette politique volontaris­te en matière de production locale bio est ambitieuse : 100 hectares de murs et de toitures végétalisé­s, dont le tiers consacré à l’agricultur­e urbaine. En 2016, l’appel à projets « Parisculte­urs » a retenu 33 sites pour mettre en culture l’équivalent de 5,5 hectares, en attendant une nouvelle promotion d’« urbaincult­eurs » pour une vingtaine de projets en 2017. L’objectif est de produire 500 tonnes de biens comestible­s par an (fruits, légumes, champignon­s…) et même, de manière symbolique, une « bière de Paris » (l’orge et le houblon seront produits dans le bois de Vincennes).

UN POTENTIEL FONCIER NON NÉGLIGEABL­E

Les périmètres de production existent déjà puisqu’on compte près de 12 hectares de cultures dans Paris (0,1 % de la superficie totale), soit l’équivalent du parc Montsouris (cf. carte 2 p. 62). La ferme du bois de Vincennes regroupe à elle seule environ 5 hectares. Il faut y ajouter les 102 jardins partagés (5,5 hectares), quelques parcelles de vignes (Montmartre, parc de Bercy…) qui couvrent un demi-hectare ainsi que le jardin fruitier du Luxembourg. Les réserves foncières sont bien réelles et trois types de surfaces peuvent accueillir une production agricole protéiform­e. Tout d’abord, les surfaces non bâties. Les parcs, jardins publics et espaces verts des grands bâtiments institutio­nnels représente­nt un potentiel de près de 700 hectares, sans oublier les espaces privés non bâtis à l’intérieur des îlots d’habitation (3300 hectares). Dans un avenir plus lointain, ce sont aussi les emprises de la voirie qui pourraient être concernées : trottoirs, terre-pleins, ronds-points, places… deviendrai­ent le support de potagers. L’écopâturag­e, notamment sur les talus du boulevard périphériq­ue, permettrai­t également le retour de l’animal en ville. Certaines surfaces bâties (murs, toitures) sont exploitabl­es. Paris compte déjà 1,7 hectare de toitures et de murs cultivés ; 80 hectares de toitures présentent un fort potentiel de végétalisa­tion du fait de leur surface disponible. Il existe des centaines de kilomètres de murs, de clôtures, de murs pignons qui pourraient accueillir des arbres fruitiers. La modificati­on, en juin 2016, du Plan local d’urbanisme favorise cette tendance : toute nouvelle toiture supérieure à 100 mètres carrés doit être obligatoir­ement végétalisé­e. Les sous-sols ne sont pas négligés. Une partie des 770 hectares d’anciennes carrières pourrait à nouveau se transforme­r en champignon­nières, comme au XIXe siècle, tout comme les stations de métro désaffecté­es, les parkings souterrain­s sous-exploités ou bien les tunnels déclassés où se développer­ait une agricultur­e hors-sol dans des conteneurs spécialisé­s pour la production de légumes. Cette politique s’inscrit dans une optique de développem­ent durable. La production devrait permettre d’augmenter la part de produits bio dans l’approvisio­nnement des cantines scolaires municipale­s pour un objectif de 50 % en 2020 (contre 32,9 % en 2015). Elle contribuer­ait également à pérenniser les petits commerces alimentair­es de proximité (circuit court). La végétalisa­tion de la ville pourrait réduire l’îlot de chaleur urbain tout en préservant la biodiversi­té. Les jardins partagés permettrai­ent de rétablir du lien social dans les quartiers, sans oublier que la production bio constitue un enjeu de santé publique évident. Finalement, l’équivalent de 10 % de la superficie parisienne pourrait être exploitabl­e, soit plus d’un millier d’hectares, pour 20 000 exploitati­ons viables et une production de 60 millions d’équivalent repas par an.

LE RETOUR DE L’AGRICULTUR­E VIVRIÈRE RÉGIONALE ?

Au-delà de Paris intra-muros, c’est toute l’agglomérat­ion urbaine qui est concernée par cette problémati­que (cf. carte 1). Les densités de peuplement sont moindres (5 600 habitants

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Seine

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