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L’annulation est-elle si simple ?

- C. Braccini

de la dette mondiale. Les créanciers, notamment le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) et la Banque mondiale, restent réticents à l’annulation pour différente­s raisons. D’une part, les dettes sont considérée­s comme des obligation­s dont il faut s’acquitter. De plus, leur annulation encourager­ait les pays riches à ne plus prêter, ce qui réduirait les budgets d’aide aux pays pauvres. Cela mettrait par ailleurs à mal la crédibilit­é des institutio­ns multinatio­nales. Enfin, l’annulation ne garantirai­t en rien que les sommes d’argent libérées ne seraient pas gaspillées aux dépens de la population. Ainsi, si la pandémie de Covid-19 a fait se lever un vent de solidarité, la réalité des chiffres ne doit pas faire oublier la complexité de l’annulation de l’endettemen­t des pays africains. La Chine détient une part importante de cette dette, ce qui représente un levier de pouvoir certain. Selon la China Africa Research Initiative, le montant des prêts accordés à 49 pays africains par la République populaire s’élève à 152 milliards de dollars entre 2000 et 2018, l’Angola se présentant comme l’un des principaux débiteurs (1). Toutefois, la prudence reste de rigueur face à l’absence de transparen­ce d’une administra­tion chinoise cloisonnée. Mais nul doute que les prêts chinois augmentent le niveau de la dette, ce qui peut être perçu comme une menace ou une opportunit­é. La diplomatie économique chinoise consiste à offrir des prêts sans garanties réelles de viabilité économique des projets. Les États, peinant à rembourser leurs emprunts, ont alors tendance à hypothéque­r leurs droits sur des infrastruc­tures géostratég­iques (les ports notamment). C’est la diplomatie dite du « carnet de dette » par laquelle la Chine gagne un réseau fiable pour ses approvisio­nnements et une influence politico-économique auprès de ses débiteurs, mais affaiblit la souveraine­té des États endettés, ce qui est perçu comme du néocolonia­lisme.

Mais les prêts concédés sont également une opportunit­é pour le développem­ent des pays africains. D’une part, les prêts chinois ne contribuen­t à un sérieux surendette­ment que dans trois pays : Djibouti (Pékin y détient 77 % de la dette), la République démocratiq­ue du Congo (7,1 milliards de dollars y seraient détenus par la Chine) et la Zambie (6,4 milliards sur un total de 8,7 milliards fin 2017) (2). D’autre part, la République populaire favorise le développem­ent : les prêts stimulent l’économie, génèrent de la concurrenc­e et de l’emploi. Enfin, l’Afrique a besoin d’argent pour financer ses projets et l’un des seuls pays capables de nos jours de fournir des emprunts importants et rapidement est… la Chine. (1) Deborah Brautigam, « Chinese Debt Relief: Fact and Fiction », in The Diplomat, 15 avril 2020. (2) Janet Eom, Deborah Brautigan et Lina Benabdalla­h, « The Path Ahead: The 7th Forum on China-Africa Cooperatio­n », China Africa Research Initiative, Briefing Paper no 1, 2018.

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