Le gaspillage alimentaire : un enjeu mondial contre la montre
La perte et le gaspillage alimentaires ont lieu dans toutes les régions du globe, le plus souvent en début de chaîne, dans les États dits du Tiers-Monde, et à l’échelle de la distribution et du consommateur final dans les pays industrialisés. Malgré une prise de conscience des dirigeants, les chiffres ne sont pas à la baisse et compromettent l’objectif onusien « Faim zéro » d’ici à 2030, alors que la population mondiale augmente.
Toute denrée alimentaire perdue ou dégradée puis jetée avant d’être consommée est une « perte », une notion économique empruntée à l’anglais « food loss » et exempte de jugement moral, contrairement à celle de « gaspillage », qui concerne plus spécifiquement les pertes à l’échelon de la vente au détail et chez le consommateur. La responsabilité est partagée entre les acteurs de la production, du stockage, du conditionnement, de la transformation, du transport et de la distribution, et le consommateur. Pourtant, en 2019, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que 2 milliards de personnes, sur une population mondiale de 7,7 milliards, n’ont pas accès à un niveau suffisant de nourriture ; près de 750 millions d’entre elles sont exposées à une insécurité alimentaire sévère (1).
UNE RÉALITÉ, UN MANQUE DE STATISTIQUES
En 2011, la FAO, à la demande de l’Institut suédois de l’alimentation et des biotechnologies, a estimé qu’environ un tiers de la quantité de denrées produites pour la consommation humaine, soit 1,3 milliard de tonnes, était gaspillé ou rendu impropre, soit le tiers de la nourriture mondiale (2). Si cette gabegie concerne autant les pays industrialisés (670 millions de tonnes) que ceux en développement (630 millions), les consommateurs des premiers gaspillent juste un peu moins de nourriture (222 millions) que la production totale de toute l’Afrique subsaharienne (230 millions). Les Européens et les Américains du Nord figurent parmi les moins bons élèves, gaspillant entre 95 et 115 kilogrammes d’aliments par tête et par an, tandis que pour un habitant d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud et du Sud-Est, ce chiffre se situe entre 6 et 11 kilogrammes. Dans un rapport paru en 2019, la FAO estimait à 13,8 % le volume de la production mondiale alimentaire perdue avant même d’avoir atteint son point de vente en 2016 (3). Intempéries, mauvaises pratiques agricoles, produits non conformes aux standards de vente et donc rejetés, chute des cours ou denrées endommagées à la suite de procédés mécaniques (de récolte ou de capture) constituent les causes principales de ces pertes. En 2020, la pandémie de Covid-19 et le confinement ont augmenté la perte au niveau de la production. Éleveurs et agriculteurs ont eu des difficultés à écouler leurs denrées fraîches auprès des