Les prisons en France : quand la Covid-19 libère les cellules
L’une des rares bonnes nouvelles en lien avec la Covid-19 est son effet sur les prisons françaises : surpeuplées depuis des décennies, elles présentent un nombre de détenus à la baisse, offrant même plus de places libres que de personnes incarcérées. Si l
es données transmises par le ministère de la Justice parlent d’elles-mêmes : au 1er juillet 2020, il y avait 58 695 individus détenus en France pour 60 592 places disponibles dans les 262 établissements d’enfermement (dont 133 maisons d’arrêt). À la même date en 2019, ils étaient 71 710 pour 61 105. C’est la première fois que nous observons une telle tendance, la hausse du nombre de détenus ayant été constante depuis au moins 2010, sans que de nouvelles places soient créées. En 2020, il y en avait 7 423 de disponibles, contre 3 988 l’année précédente. La densité carcérale globale est passée sous la barre des 100 % (96,9 %), et le taux d’encellulement individuel a atteint 54,2 %. Une situation inédite. La peur d’une hécatombe due à l’épidémie dans des prisons en mauvais état – la France a été condamnée par la Cour européenne des Droits de l’homme, le 30 janvier 2020, pour « traitements inhumains ou dégradants » dans ses centres pénitenciers – a obligé les autorités à pratiquer une politique de libération de détenus en fin de peine (sauf ceux jugés pour meurtre, terrorisme et violence conjugale), augmentant le flux des sorties, tandis que le ralentissement de l’activité des tribunaux – et de celle des délinquants – depuis le premier confinement (17 mars-11 mai 2020) a généré une baisse des arrivées. De plus, la réforme des peines est entrée en vigueur le 24 mars 2020, prévoyant des alternatives à l’emprisonnement dans le cas de condamnations de courte durée. Pour de nombreux professionnels du secteur, les réponses du gouvernement ne sont pas suffisantes et une réforme de plus grande ampleur doit être engagée. D’autant que, rappelons-le, la justice est indépendante, les juges d’application des peines pouvant être plus volontaristes selon les régions. Des organismes d’avocats ont demandé des libérations massives et des grâces individuelles, voire collectives (interdites depuis 2008). Car la situation créée par l’urgence de la gestion de la pandémie de Covid-19 a rappelé l’importance du désengorgement des prisons pour tout le système judiciaire français. Les établissements d’enfermement ne sont par ailleurs pas égaux : les grandes structures sont ainsi plus exposées et attendent des changements profonds. Sur les 58695 personnes détenues au 1er juillet 2020, 10327 dépendaient de la direction interrégionale de Paris, 7 304 de Rennes, 6 550 de Marseille, 5 925 de Lille et 5 456 de Lyon pour les cinq plus importantes (sur 10), contre 4 098 de Dijon par exemple.
Pour les prisonniers, le reconfinement sans mesures libératoires est une nouvelle période délicate : si les visites des familles avaient été interdites au printemps, elles sont cette fois autorisées, mais la hausse des cas positifs inquiète. La surveillance de la maladie, avec port du masque obligatoire et des tests de dépistage, a déjà rendu les conditions d’incarcération plus dures. Avocats et responsables de maisons d’arrêt en appellent à l’application systématique de mesures alternatives, comme un régime de semi-liberté ou le port d’un bracelet électronique pour des peines allant de un à six mois.