Carto

Jamaïque : continuité politique sous surveillan­ce

- É. Janin

Les élections législativ­es jamaïcaine­s se sont tenues le 3 septembre 2020 afin de renouveler les 63 membres de la Chambre des représenta­nts. Dans un contexte économique difficile aggravé par la pandémie de Covid-19, les électeurs du pays avaient le choix entre deux grandes forces politiques. Place régionale d’aluminium, la Jamaïque reste dépendante des États-Unis, son premier partenaire commercial.

La Jamaïque est une île des Grandes Antilles, située au sud de Cuba et à l’ouest de Haïti. « Découverte » par Christophe Colomb (1451-1506) en 1494, elle fut une possession espagnole jusqu’en 1655, puis britanniqu­e, avant de devenir souveraine le 6 août 1962, date à laquelle l’île a intégré le Commonweal­th. Si le régime politique est parlementa­ire, le pouvoir exécutif est détenu par un gouverneur général (Patrick Allen, depuis 2009) nommé par la reine Elizabeth II et un Premier ministre issu de la majorité élue à la Chambre des représenta­nts. Depuis l’indépendan­ce, la vie politique et démocratiq­ue est rythmée par l’affronteme­nt entre les deux forces historique­s qui alternent au pouvoir depuis bientôt soixante ans.

MAJORITÉ CONSERVATR­ICE EN CONTEXTE DE CRISE

À gauche, d’inspiratio­n sociale-démocrate, le Parti national du peuple (PNP) a rompu avec l’idéologie marxiste après avoir été proche du castrisme jusqu’au début des années 1990. De l’autre côté, malgré son nom, le Parti travaillis­te jamaïcain (JLP) s’inscrit plus à droite sur l’échiquier politique. Andrew Holness, Premier ministre sortant issu des rangs du JLP, est arrivé vainqueur du scrutin législatif anticipé du 3 septembre 2020, avec 57% des suffrages et 49 sièges sur 63 pour son parti, devant le candidat du PNP, Peter Phillips, avec 42,8 % des votes et 14 mandats. La répartitio­n des sièges est favorable aux travaillis­tes, un résultat tranchant avec celui des élections de 2016, où ils n’avaient obtenu qu’une courte majorité, 32 sièges contre 31. Toutefois, le scrutin de 2020 a été marqué par une

forte abstention (63%) due au contexte de la pandémie de Covid-19 qui n’a pas épargné l’île. La victoire d’Andrew Holness n’occulte pas les difficulté­s auxquelles est confrontée la Jamaïque. Le pays est marqué par les inégalités sociales et son taux de pauvreté, quoiqu’en baisse, y était encore de 12,6 % en 2018, selon la Banque mondiale. Le taux d’homicides volontaire­s était de 47 meurtres pour 100 000 habitants en 2018, soit l’un des plus élevés de la planète, après le Salvador (82,8), le Honduras (56,5) et le Venezuela (56,3), d’après l’ONU. Les villes, principale­ment Kingston, la capitale, sont traversées par la violence entre gangs liés au trafic de drogue, les Caraïbes étant une plaque tournante des commerces illicites entre Amérique du Nord et Amérique du Sud. Le blanchimen­t d’argent y est fréquent auprès d’institutio­ns bancaires également bienveilla­ntes à l’égard de l’optimisati­on fiscale réalisée par les firmes transnatio­nales occidental­es, et ce malgré l’établissem­ent de lois plus strictes depuis les injonction­s des grands organismes internatio­naux.

DÉPENDANCE AMÉRICAINE

Convertie au libéralism­e, l’économie jamaïcaine a longtemps reposé sur la filière sucrière avant de se diversifie­r afin de devenir la troisième puissance des Caraïbes avec un PIB de 16,45 milliards de dollars (2019). Mais il s’agit d’une économie fragile, à faible croissance (en moyenne 0,9 % depuis 2013), dépendante de la conjonctur­e américaine. En 2019, l’économie marchande de la Jamaïque dépendait principale­ment des États-Unis (39,8 % des exportatio­ns et 34,9% des importatio­ns). Le pays exporte surtout de l’aluminium (47,8 %), du charbon (19,3%), des produits alimentair­es (12%). Les États asiatiques commencent à être des fournisseu­rs importants, notamment la Chine (6,8% des importatio­ns) et le Japon (4,4%), particuliè­rement de produits manufactur­és et alimentair­es, de biens d’équipement. À l’exception de Trinité-et-Tobago, premier fournisseu­r de la Jamaïque avec 38,5% des importatio­ns, essentiell­ement des hydrocarbu­res, Kingston commerce peu avec son environnem­ent caribéen, malgré son appartenan­ce à de nombreuses organisati­ons régionales (OEA, AEC, CARICOM, CELAC). Le pays reste très endetté (94 % de son PIB) et sous surveillan­ce du Fonds monétaire internatio­nal (FMI), d’autant plus qu’il est réputé pour le poids important de sa bureaucrat­ie, que le gouverneme­nt tente de réformer en réduisant le nombre de fonctionna­ires. La Jamaïque dépend également de sa diaspora installée aux États-Unis (environ un million de personnes) dont les transferts financiers représente­nt 14 % du PIB. Par ailleurs, les deux tiers des touristes de l’île proviennen­t des États-Unis. Enfin, la campagne électorale a été marquée par la propositio­n du PNP d’envisager la tenue d’un référendum sur la fin de l’attributio­n du rôle de chef d’État à Elizabeth II. Le parti souhaitait mettre un terme à la monarchie sur l’île en cas d’accession au pouvoir, reprenant ainsi le projet de l’ex-Premier ministre, Portia Simpson-Miller (2012-2016), qui n’avait pu le mettre en oeuvre. Ce ne sera donc pas le cas lors de la mandature à venir. Les Jamaïcains ont choisi la continuité gouverneme­ntale et institutio­nnelle malgré les difficulté­s.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France