« BILAN TRUMP » : LA FIN DU RÊVE AMÉRICAIN ?
Novembre-Décembre 2020
Maître de conférences en civilisation du monde anglophone à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ; auteur de Le rêve américain à l’épreuve de Donald Trump (dir., Vendémiaire, 2020) et de l’Atlas historique des États-Unis (Autrement, 2019) Cartographie de Laura Margueritte et Dario Ingiusto (documents 6 et 7)
En juin 2015, Donald Trump commence sa campagne pour l’investiture républicaine avec le diagnostic de la « mort du rêve américain » et la promesse que lui seul est capable de le ressusciter. Ce n’est pas seulement l’administration sortante – Barack Obama et les démocrates (2009-2017) – qui est visée, puisque Trump s’attelle d’abord à conquérir le Parti républicain. Il se positionne alors comme l’« homme du renouveau ». Et il a été élu. Cinq ans plus tard, force est de constater que ce cher « rêve américain » reste moribond, ses fondements mêmes ayant été mis à mal.
Le rôle de l’homme providentiel est classique pour les candidats d’opposition : il correspond à l’idéal du représentant politique qui va changer les choses. La thématique du « rêve américain » et de sa protection ou de sa restauration fonctionne également parce qu’elle est l’épine dorsale d’une sorte de roman national américain, la promesse que travailler dur, épargner, jouer le jeu finira par payer, pour soi ou/et ses enfants. Le « rêve américain » est souvent réduit à l’espoir d’une ascension sociale, à la possibilité d’accéder à une certaine aisance, à la grande classe moyenne, à l’abri du besoin, mais pas nécessairement très riche. La richesse est généralement considérée comme une preuve de réussite aux États-Unis, sauf si elle est héritée et, par définition, n’est pas faite par un « self-made man ».
RUPTURE POLITIQUE ET CONTINUITÉ HISTORIQUE
Cependant, le succès de l’image du « rêve américain » tient à la difficulté de circonscrire cette notion avec précision, mais également à la multiplicité d’aspects qu’elle recouvre : ce n’est pas que le pavillon dans une banlieue résidentielle, promesse de bonnes écoles pour les enfants, c’est aussi l’accès à l’égalité pour les minorités religieuses, ethniques et sexuelles, la possibilité d’outrepasser les entraves qui caractérisent les sociétés de castes de l’Ancien Monde. C’est aussi l’égalité d’un accès à la santé et la possibilité de vivre dans un environnement préservé. La présidence Trump s’inscrit donc à la fois en rupture avec la politique américaine récente, en s’efforçant de détricoter les mesures économiques et environnementales mises en place par l’administration Obama, mais aussi dans la continuité avec une histoire plus profonde. La question de l’immigration est à la fois au coeur de la thématique du « rêve américain » (on quitte son pays pour les États-Unis avec l’espoir d’une vie meilleure) et de la campagne Trump de 2016, dirigée notamment contre les Mexicains, et la promesse d’un mur entre les deux pays (cf. carte 1). Si l’immigration est le moteur de l’histoire américaine, on peut en dire autant des mouvements d’opposition et de résistance à l’immigration, irlandaise au milieu du XIXe siècle, originaire d’Europe de l’Est et du Sud autour de 1900, mais aussi chinoise. On oublie souvent que