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Géorgie : une transition démocratiq­ue inachevée ?

- T. Courcelle

Vainqueur des élections législativ­es des 31 octobre et 21 novembre 2020 avec 48 % des voix et 90 sièges sur 150, Rêve géorgien, parti au pouvoir depuis 2012, entame son troisième mandat dans un contexte de crise politique. Soumis aux influences de la Russie, qui soutient des territoire­s séparatist­es, la Géorgie reste accrochée au rêve d’un rapprochem­ent durable avec l’Union européenne (UE) et l’OTAN.

Longtemps considérée comme l’une des république­s les plus prospères de l’Union soviétique, avec ses vignobles, ses paysages d’alpage de hautes montagnes caucasienn­es au nord et anatolienn­es au sud, ses plaines cultivées au centre débouchant sur un accès stratégiqu­e à la mer Noire, la Géorgie connaît pourtant une transition difficile après son indépendan­ce proclamée le 9 avril 1991. Vite confrontée à une crise économique et à des forces centrifuge­s sur son territoire se transforma­nt en conflits opposant Tbilissi à ses minorités nationales (Adjarie, Abkhazie, Ossétie du Sud), la Géorgie voit ses relations avec la Russie se dégrader. La mise en place d’un modèle démocratiq­ue et du pluralisme politique s’accompagne de pratiques héritées du régime socialiste et d’une montée des mafias. Zviad Gamsakhour­dia (1939-1993), ancien dissident soviétique, fut le premier président démocratiq­ue élu de Géorgie en 1991. À la suite de dérives autoritair­es, c’est l’ex-ministre des Affaires étrangères de l’URSS (1985-1990), Edouard Chevardnad­ze (1928-2014), qui s’empare du pouvoir par un coup d’État en janvier 1992, puis se fait élire président à trois reprises (1992, 1995 et 2000) en exerçant un pouvoir de plus en plus autocratiq­ue.

UN CHOIX GÉOGRAPHIQ­UE EUROPÉEN ASSUMÉ

L’Assemblée parlementa­ire du Conseil de l’Europe fixe en 1994 les limites du continent par des critères d’européanit­é entre les anciennes république­s soviétique­s. Si les États d’Asie centrale sont considérés comme non européens, les parlementa­ires décident de laisser le choix aux trois pays du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdja­n) de se définir, ceux-ci étant situés parfois en Asie, parfois en Europe, selon les atlas. En Géorgie, c’est la voie européenne qui l’emporte et permet d’adhérer au Conseil de l’Europe en 1999.

En 2001, Mikheil Saakachvil­i, ancien ministre de la Justice (2000-2001), monte une coalition d’opposition de centre droit, le Mouvement national uni (MNU), qui promet de lutter contre la corruption, l’un des principaux fléaux du pays, et gagne les législativ­es en 2003 avec près de 70 % des votes d’après les sondages, mais arrive en troisième position dans les résultats officiels. Des manifestat­ions entraînent la démission d’Edouard Chevardnad­ze et la tenue de nouvelles élections. C’est la « révolution des roses », le premier soulèvemen­t populaire dans les exrépubliq­ues soviétique­s. Mikheil Saakachvil­i remporte les élections présidenti­elle et législativ­es qui suivent en 2004. Il mène une politique de rapprochem­ent envers l’UE et l’OTAN avec l’espoir d’une adhésion et bénéficie d’une aide au développem­ent américaine de 100 millions de dollars annuels, tout en s’éloignant de Moscou avec la demande de l’évacuation des bases militaires russes sur le territoire géorgien.

TENSIONS AVEC MOSCOU

Après avoir repris le contrôle de l’Adjarie en 2004, l’administra­tion Saakachvil­i envisage, juste après la réélection de 2008, de réintégrer l’Ossétie du Sud en lançant une offensive sur Tskhinvali le 7 août. La Russie répond avec une contre-offensive éclair et massive jusqu’aux portes de Tbilissi et contraint l’armée géorgienne à se retirer. La Géorgie quitte la Communauté des États indépendan­ts (CEI), tandis que Moscou reconnaît l’indépendan­ce de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, où elle maintient plusieurs bases et quelque 7 600 soldats. À la suite de cette défaite, le pouvoir est malmené par l’opposition, alors unie dans la coalition Rêve géorgien, fondée et financée par le milliardai­re Bidzina Ivanichvil­i ; elle remporte les élections législativ­es de 2012 et ses candidats, Guiorgui Margvelach­vili et Salomé Zourabichv­ili, les présidenti­elles de 2013 et 2018, respective­ment. Pour échapper à des poursuites judiciaire­s, Mikheil Saakachvil­i s’installe en Ukraine, dont il prend la nationalit­é. La Géorgie reste soumise à une forte polarisati­on de la vie politique et à un manque de confiance en la démocratie. Après huit années au pouvoir, Rêve géorgien a remporté pour la troisième fois les législativ­es, mais perd 25 députés face au MNU (27 % et 36 sièges). Seul un district, au nord de Tbilissi, a été gagné par l’opposition, dans un scrutin marqué par la pandémie de Covid-19 et approuvé par les observateu­rs internatio­naux pour le respect des libertés fondamenta­les, bien qu’ils relèvent des allégation­s de pressions et de confusion entre le parti au pouvoir et l’État, sapant la confiance des citoyens. Des manifestat­ions ont réclamé la démission du gouverneme­nt, alors que le leader du MNU, le député Nika Melia, a été arrêté en février 2021. Le retrait de Bidzina Ivanichvil­i de la vie politique le 11 janvier 2021 n’a pas mis fin au mouvement, qui le soupçonne de vouloir gouverner en coulisse.

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