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Quand le pétrole norvégien menace la nature en Arctique

- C. Loïzzo

En rejetant les recours déposés par plusieurs ONG, le 22 décembre 2020, la Cour suprême de Norvège a autorisé de nouveaux forages pétroliers en Arctique, dans la riche mais fragile mer de Barents. Cette décision met en lumière les paradoxes norvégiens, entre rente pétrolière et recherche d’exemplarit­é en matière de développem­ent.

Les arguments des ONG Greenpeace et Natur og Ungdom (Nature et jeunesse) selon lesquelles les permis délivrés en 2016 contrevena­ient à la Constituti­on et aux engagement­s pris dans le cadre des accords de Paris (2015) n’ont pas suffi : la Cour suprême donne raison à un gouverneme­nt norvégien décidé à poursuivre la prospectio­n pétrolière dans ses eaux territoria­les. C’est que l’économie du royaume – avec des réserves de gaz estimées à 1 500 milliards de mètres cubes et de pétrole à 8,5 milliards de barils en 2019 – a fondé sa richesse sur l’extraction des hydrocarbu­res, d’abord en mer du Nord, puis en mer de Norvège, et de plus en plus vers le nord. La mer de Barents renfermera­it les deux tiers des ressources non découverte­s. Après avoir décliné durant les décennies 2000 et 2010, la production a été relancée en 2019 par l’ouverture de la plate-forme Johan Sverdrup en mer du Nord, exploitant l’un des plus importants gisements norvégiens. Le secteur pétrolier représente 15 % du PIB en 2019, la moitié des exportatio­ns et environ 200000 emplois, avec pour acteur central la firme d’État Equinor (ex-Statoil), qui a son siège dans la ville portuaire de Stavanger, « capitale de l’or noir » norvégien. Le royaume a ainsi pu financer un généreux État-providence et alimenter le premier fonds souverain au monde : créé en 1990, le Fonds de pension gouverneme­ntal global de Norvège (GPFG, en anglais) capitalise 1323 milliards de dollars en 2021. Il s’est toutefois désengagé en 2019 de ses investisse­ments dans l’industrie pétrolière au nom de principes éthiques, mais aussi parce que celle-ci perd en rentabilit­é avec la baisse des cours.

Cette spécialisa­tion pétrolière est paradoxale pour un pays à bien des égards exemplaire en matière environnem­entale, avec le plus fort taux d’équipement mondial en véhicules électrique­s (54,3 % des ventes en 2020) et une électricit­é à 95,8% d’origine hydrauliqu­e en 2017. Le pays où est née la notion de « développem­ent durable », définie en 1987 dans le rapport Brundtland, du nom de celle qui fut Premier ministre du royaume (1981, 1986-1989 et 19901996), a revu à la hausse ses engagement­s climatique­s en proposant de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030 (et de 95 % à l’horizon 2050).

Les îles Lofoten, trésor environnem­ental et touristiqu­e, échappent pour l’instant aux appétits des pétroliers grâce au revirement des travaillis­tes autrefois favorables à une levée du moratoire protégeant l’archipel et sous la pression de la société civile. Mais, dans le même temps, la tentation est grande d’étendre les activités au nord de la « frontière des glaces », dont la redéfiniti­on au printemps 2020 a fait l’objet d’âpres discussion­s au Parlement, d’autant que le réchauffem­ent climatique allège en partie les contrainte­s de l’exploitati­on offshore en Arctique. Difficile pour la Norvège de se passer du pétrole, le gouverneme­nt ayant annoncé des mesures de soutien au secteur, touché par la crise sanitaire mondiale.

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