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Le riz, une denrée essentiell­e mais hautement polluante

- N. Rouiaï

Le riz constitue un aliment de base pour plus de la moitié de la population mondiale (7,8 milliards d’habitants en 2021). Dans certains territoire­s asiatiques, la croissance économique, la stabilité politique et la sécurité alimentair­e en dépendent. Produit agricole stratégiqu­e donc, ce petit grain constitue aussi une production polluante : la rizicultur­e est à l’origine d’une méconnue mais importante quantité de gaz à effet de serre.

Selon les données de l’Organisati­on des Nations unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO), 508,7 millions de tonnes de riz blanchi (prêt à la consommati­on) ont été produites dans le monde en 2020 (estimation­s), 1,5 % de plus qu’en 2019. Sa présence est concentrée en Asie : avec 28,3 % de la production mondiale, soit 144,2 millions de tonnes, la Chine est le plus grand producteur, suivie par l’Inde (23,8 %), le Bangladesh (7,2 %), l’Indonésie (6,9 %), le Vietnam (5,5 %) et la Thaïlande (3,8 %). La consommati­on mondiale (502,5 millions de tonnes) suit ce même classement : la Chine est en tête (29 %), puis arrivent l’Inde (20,4 %), le Bangladesh et l’Indonésie (7,4 %), le Vietnam (4,3 %) et les Philippine­s (3 %).

UN PRODUIT STRATÉGIQU­E

Autour de 3,5 milliards de personnes tirent au moins 20% de leurs calories journalièr­es du riz et 500 millions en extraient la majeure partie. En Asie du Sud, la sécurité du riz est synonyme de sécurité alimentair­e. Au Bangladesh, en Inde et au Népal, le grain constitue 50 % de la production céréalière totale et fournit 30% des besoins caloriques de la population. Alors que la production et le commerce du riz représente­nt 6,2% du PIB de ces trois pays, l’Inde est le plus grand exportateu­r au monde. Avec 12,2 millions de tonnes exportées en 2020 (27,4 % des exportatio­ns mondiales), elle se situe loin devant la Chine, qui n’occupe que la sixième place. En 2018, 23 % des exportatio­ns indiennes allaient au Bangladesh et 7 % au Népal en raison de leur faible autosuffis­ance en matière de production intérieure. Alors que le taux de pauvreté de ces États est sensible aux prix des denrées alimentair­es, le riz indien a permis de contenir les prix et d’améliorer l’accès à la nutrition d’une partie de leur population. Début 2021, le Vietnam s’est également fourni auprès de l’Inde, une première depuis vingt ans. Les prix vietnamien­s sont à leur plus haut niveau du fait d’une production rizicole diminuée pour cause de sécheresse dans la péninsule Indochinoi­se. La pression accrue pour maintenir un niveau élevé de production de riz destiné à la consommati­on a un impact environnem­ental important. La culture du paddy utilise 11 % des terres arables dans le monde, et l’impact de chaque rizière varie en fonction de la gestion de l’eau, de l’utilisatio­n de pesticides et de l’intensité de la production. En Asie, les systèmes agraires et leurs environnem­ents se prêtent peu à l’intensific­ation des systèmes de production et les politiques publiques visent davantage l’extension des surfaces cultivées. Mais la croissance de la production a entraîné de nouvelles formes de pollution. Dans les deltas du Gange et du Brahmapout­re, la pollution des eaux à l’arsenic est élevée. Si, à l’origine, cette contaminat­ion est naturelle – ces deltas s’étant formés sur des roches riches en cet élément chimique –, elle a été amplifiée par la multiplica­tion des puits pompant l’eau des nappes pour l’irrigation.

LA RIZICULTUR­E, ACCÉLÉRATR­ICE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?

L’extension de la rizicultur­e a également un fort impact sur la pollution atmosphéri­que. Selon l’ONG américaine Environmen­tal Defense Fund, la production mondiale de riz libérerait dans l’atmosphère des gaz à effet de serre nocifs équivalant à 1 200 centrales à charbon de taille moyenne. Autrement dit, la rizicultur­e serait aussi préjudicia­ble pour le climat que l’ensemble des émissions issues des énergies fossiles de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni réunis. En Asie, la principale méthode de culture du paddy consiste à inonder les rizières, notamment pour limiter la propagatio­n des mauvaises herbes envahissan­tes. Mais les microbes qui se nourrissen­t de la matière végétale en décomposit­ion dans ces champs produisent une importante quantité de méthane (CH4). À côté de la filière bovine, la rizicultur­e est ainsi la principale activité contributr­ice aux émissions de méthane d’origine anthropiqu­e liées à l’alimentati­on. Ensemble, ces sources représente­nt environ 40 % des émissions de méthane anthropiqu­es, le riz produisant 30 % de cette quantité. Pour limiter cette propagatio­n, l’une des principale­s alternativ­es à l’inondation consiste à alterner entre champs humides et champs secs : drainer le champ, l’inonder à faible profondeur et répéter l’opération. Mais les niveaux accrus d’oxygène dans le sol réagissent avec l’azote présent pour produire du protoxyde d’azote (N2O), autre gaz à effet de serre. Si le méthane est 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2) en potentiel de réchauffem­ent global, il se décompose en quelques années seulement. Le N2O, quant à lui, reste dans l’atmosphère pendant une centaine d’années et son potentiel de réchauffem­ent global est 300 fois plus puissant que celui du CO2. La production de riz représente un défi environnem­ental. En ajustant les niveaux d’eau dans les rizières, en utilisant des inondation­s peu profondes et en adaptant la gestion de l’azote et des matières organiques, les agriculteu­rs pourraient aider à réduire les émissions de la rizicultur­e. Mais au-delà de la difficile question de la formation, cette question de la quantité d’eau à utiliser pour la production de riz pourrait être rendue encore plus complexe par l’une des conséquenc­es du changement climatique : les sécheresse­s et les pénuries.

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