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UNE PLANÈTE URBAINE, JUSQU’OÙ ?

- Cartograph­ie d’aurélie Boissière

Par Charlotte Ruggeri Professeur­e de géographie en classe préparatoi­re aux grandes écoles, chercheuse associée au « Laboratoir­e Ville Mobilité Transport » (université Gustave-eiffel), auteure de l’atlas des villes mondiales (dir., Autrement, 2020)

Alors que la moitié de l’humanité réside en ville, les espaces urbains semblent être devenus les lieux de cristallis­ation des enjeux du XXIE siècle, du réchauffem­ent climatique aux inégalités. Avant-postes de la mondialisa­tion, les villes sont également des espaces fragmentés, vulnérable­s et contestés. Si la métropolis­ation semble désormais un processus incontourn­able, l’appréhende­r, c’est comprendre qui pense et produit la ville, pour qui, et ce que cela induit pour son essence même, l’urbanité.

Si la moitié de la population mondiale vit en ville, l’urbanisati­on n’est pas égale selon les échelles. Selon L’ONU, en 2018, le continent américain est celui, au nord comme au sud, qui affiche l’un des taux d’urbanisati­on les plus élevés (80 %). En Europe, les trois quarts des habitants résident en ville, même si 72 % de la population habite dans des cités de moins de 100 000 personnes, tandis qu’en Asie, on observe plus de contrastes. Avec une part de la population urbaine de 91,6 % au Japon et de 23,3 % au Cambodge, les situations apparaisse­nt différenci­ées.

DE LA MÉTROPOLIS­ATION AUX « MÉTROPOLIS­ATIONS »

La croissance urbaine à l’échelle mondiale est réelle, puisque L’ONU estime que la population urbaine pourrait atteindre 1,2 milliard de personnes sur le continent africain en 2050, mais tous les espaces ne sont pas concernés par la métropolis­ation. Cette dernière repose d’abord sur une concentrat­ion des population­s, des activités et des valeurs dans les espaces urbains. Cette hyperconce­ntration se remarque par exemple en Amérique du Sud, où l’on constate l’un des plus forts taux d’urbanisati­on au monde (cf. carte 1). Ainsi, cette région est marquée par l’essor des mégapoles (Buenos Aires en Argentine, Rio de Janeiro au Brésil), même si plus de la moitié de la population urbaine vit dans des villes de moins d’un million de personnes. De fait, l’urbanisati­on sud-américaine se caractéris­e par un étalement urbain alimenté par l’autoconstr­uction, la création formelle et massive de zones résidentie­lles d’habitat social ou de quartiers fermés (gated communitie­s), dans des périphérie­s de plus en plus lointaines.

Ensuite, la métropolis­ation implique une concentrat­ion des fonctions essentiell­es, ainsi qu’une mise en réseau accrue des principale­s métropoles mondiales, renforçant leur poids sur la scène internatio­nale. Singapour montre bien cette tendance, tout en rappelant certaines spécificit­és de la métropolis­ation asiatique, comme un fort volontaris­me politique dans la planificat­ion urbaine, ce qui n’empêche pas la prise d’importance des acteurs privés (cf. carte 2). D’un point de vue morphologi­que, cette métropolis­ation s’appuie majoritair­ement sur la forme du condominiu­m, ce qui contribue également à verticalis­er les paysages urbains. Toutefois, la métropolis­ation en Asie ne s’est pas traduite par le simple transfert de modèles urbains visibles en Europe ou en Amérique du Nord, mais repose plutôt sur une hybridatio­n, que l’on observe au Cambodge, au Vietnam ou en Chine.

On constate également une réappropri­ation et une hybridatio­n des formes urbaines dans les villes circumpola­ires, où l’on observe certes une hyperconce­ntration des population­s et des fonctions puisque huit personnes sur dix habitent en ville, mais les villes demeurent des espaces peu peuplés à l’échelle mondiale. Nuuk compte ainsi 18 326 habitants (2020), soit un tiers de la population du Groenland, mais dispose du siège du gouverneme­nt, de représenta­tions

diplomatiq­ues et des plus grands port et aéroport, ainsi que de la seule université. Cette circulatio­n des modèles urbains donne à voir des formes plurielles de métropolis­ation.

DES ESPACES INÉGAUX ET FRAGMENTÉS, VOIRE EXCLUANTS ?

Si les mobilités et flux internatio­naux véhiculent l’image de villes ouvertes, accueillan­tes et connectées, les fractures urbaines ne font que s’accroître. Que ce soit en termes de production urbaine ou d’appropriat­ion spatiale, les villes apparaisse­nt comme des espaces fragmentés, excluants. D’abord, certaines métropoles se sont hissées parmi les plus chères de la planète et ce phénomène concerne tous les continents (cf. document 3 p. 16). Plusieurs processus peuvent expliquer que le prix des logements s’envole. La métropolis­ation provoque en effet une concentrat­ion de population­s aisées, aux salaires élevés. Cette concentrat­ion peut alors aller de pair avec la gentrifica­tion, qui entraîne un éloignemen­t, voire une exclusion des population­s les plus modestes, comme sur le canal de l’ourcq (cf. carte 4 p. 16-17).

D’autres facteurs peuvent expliquer la flambée des prix et l’impossibil­ité pour de nombreuses personnes de se loger. Le développem­ent du tourisme de masse, la diffusion d’une « airbnbisat­ion » du marché immobilier sont également à prendre en considérat­ion. La multiplica­tion des annonces pour des meublés sur les platesform­es de location provoque à la fois une baisse du nombre de logements sur le marché locatif et une hausse des prix. Il est toutefois intéressan­t d’observer que la pandémie de Covid-19 perturbe ces logiques, notamment parce que le tourisme est fortement ralenti.

De fait, les processus de gentrifica­tion et de financiari­sation contribuen­t à renforcer des logiques excluantes dans les espaces urbains et ces processus sont d’autant plus accentués lorsque les métropoles sont grandes et bien intégrées aux logiques mondialisé­es. Si ces processus accentuent des phénomènes de ségrégatio­n socio-spatiale parfois préexistan­ts, ils mettent aussi en évidence une recomposit­ion des rapports de pouvoir dans les villes, que ce soit entre les municipali­tés et la population, ou entre des acteurs privés, les municipali­tés et la population. La prise d’importance de l’« ubérisatio­n » des espaces urbains, qui engendre une réorganisa­tion des services urbains en mettant en relation des prestatair­es de services avec la population grâce à des plates-formes numériques, ou la volonté de certains acteurs privés, comme Google, de devenir concepteur­s et producteur­s urbains sont révélatric­es de ces logiques. On peut ainsi plus largement parler d’un urbanisme de plate-forme, à savoir des processus de transforma­tion, de gestion et de conception des espaces urbains promus et mis en oeuvre par des entreprise­s du numérique,

ce qui peut mener à des logiques de privatisat­ion des espaces urbains. Ainsi, la multiplica­tion des services de mobilité en ville renforce les concurrenc­es autour des trottoirs et peut engendrer des formes de privatisat­ion de portions de trottoir par certains acteurs, rendant parfois nécessaire la mise en oeuvre de politiques de curb management, comme à Toronto (Canada).

L’arrivée de ces acteurs privés ou leur prise d’importance revêt plusieurs formes. L’une d’entre elles est la surveillan­ce urbaine (cf. document 5 p. 18). En effet, les villes dites intelligen­tes ou l’affirmatio­n des technologi­es numériques dans les espaces urbains reposent souvent sur un discours de sécurisati­on de ces espaces. Les acteurs urbains justifient la multiplica­tion des caméras de surveillan­ce et le perfection­nement de la reconnaiss­ance faciale comme des moyens d’assurer l’ordre et la sécurité en ville, parfois au nom de la lutte contre le terrorisme (Royaume-uni), parfois comme outil d’une gouvernanc­e autoritair­e (Chine). Ainsi, on estime que les revenus du marché de la surveillan­ce urbaine connaîtron­t une croissance d’au moins 33 % entre 2018 et 2022, et que le nombre de caméras de vidéosurve­illance dans le monde passera de 770 millions en 2020 à plus d’un milliard en 2021. La multiplica­tion des technologi­es numériques en ville n’est pas sans provoquer des effets sur l’environnem­ent. Cela rejoint les projets de smart city ou de ville intelligen­te, dont l’empreinte matérielle et territoria­le est très forte dans les espaces urbains. Une smart city repose en effet sur la collecte de données afin de planifier et de gérer plus efficaceme­nt un espace urbain, en particulie­r les flux (de transport, d’énergie, d’eau, de déchets). Cela peut concerner aussi bien un quartier, comme à Malmö (Suède), qu’une ville entière, telle Masdar City (Émirats arabes unis). Ces modèles reposent sur la multiplica­tion des capteurs afin de collecter les données. Mais ils génèrent des controvers­es sur leur caractère écologique. Les capteurs et les réseaux numériques ont ainsi une empreinte matérielle et territoria­le : l’efficacité recherchée de certains flux est au prix d’un accroissem­ent de l’usage d’autres ressources et est souvent assez éloignée de la sobriété écologique. L’accumulati­on de données représente aussi un défi : il faut stocker les téraoctets ou pétaoctets collectés chaque jour, et des infrastruc­tures pour permettre à ces flux d’informatio­ns toujours plus nombreux de circuler (cf. document 6 p. 19).

La ville ultra-connectée produit ses espaces particulie­rs, avec le développem­ent de data centers, dont l’emprise sur les espaces urbains est toujours plus importante. Elle vient de ce fait renforcer certaines tensions sur les marchés foncier et immobilier, soulignant son caractère à la fois matériel et social.

DES VILLES VULNÉRABLE­S ?

En ce début de XXIE siècle, alors que les villes apparaisse­nt comme le fondement de la structurat­ion de l’espace mondial, elles peuvent aussi être vulnérable­s, ce qui semble accentué dans un contexte de changement climatique. Les espaces urbains peuvent ainsi être exposés au risque de réchauffem­ent des températur­es, avec des extrêmes comme à Qurayyat (est d’oman), où l’on a relevé en juin 2018 la plus haute températur­e minimale jamais mesurée : 51 heures consécutiv­es sans que celle-ci passe sous les 41,9° Celsius. Ce cas est à la fois extrême et de moins en moins isolé. En effet, le Moyen-orient fait office de laboratoir­e à ciel ouvert sur ce sujet, et les températur­es moyennes des villes de cette région sont amenées à augmenter deux à trois fois plus vite que la moyenne mondiale, rendant plus sévères encore les effets de surchauffe. Toutefois, certaines villes nord-américaine­s, russes, chinoises ou ouest-européenne­s ont également connu des vagues de chaleur longues et intenses au cours de la décennie 2010. À ce défi de la hausse des températur­es s’ajoutent d’autres phénomènes ; parmi eux, la montée des eaux pourrait avoir des effets majeurs sur l’existence même d’un certain nombre de villes. Ainsi, en Floride, Miami ou Jacksonvil­le pourraient disparaîtr­e, et une élévation plus forte menacerait St. Petersburg et Tampa (cf. carte 7 p. 20). Certaines autorités locales mettent en place des plans d’adaptation ou de résilience, même si cela passe souvent par la multiplica­tion d’ouvrages de protection, dont l’efficacité reste à prouver.

Par-delà cette question climatique centrale, les formes de vulnérabil­ité urbaine semblent se multiplier. Ainsi, la pollution de l’air est devenue un enjeu sanitaire urbain majeur. Dans certaines régions, le phénomène a même trouvé un nom, l’« airpocalyp­se », qui qualifie une qualité de l’air devenue plus que dangereuse pour la santé dans certaines villes asiatiques, comme Shanghai ou Pékin, à la fin des années 2010 (cf. carte 9 p. 21). Dans certains pays, notamment en Chine, ce risque d’asphyxie généralisé­e a entraîné la mise en place de politiques publiques drastiques pour diminuer cette pollution.

Ces différente­s formes de vulnérabil­ité rappellent aussi que les espaces urbains reposent sur l’existence de nombreuses infrastruc­tures, qui, sans entretien, peuvent être fragilisée­s. Les installati­ons urbaines sont en effet un marqueur du passage du temps en ville, même si leur âge et leur dégradatio­n sont généraleme­nt moins visibles que celle du bâti. Comme le montre le graphique, les principale­s infrastruc­tures de New York ont en moyenne plus de cinquante ans et 15 % des canalisati­ons d’eau ont plus de cent ans (cf. document 8). Cela peut provoquer des accidents, mais cela rend également ces infrastruc­tures vulnérable­s lors de catastroph­es naturelles, comme lors du passage de l’ouragan Sandy à New York en octobre 2012. Dans un contexte de changement climatique, les population­s, les infrastruc­tures et le bâti apparaisse­nt donc particuliè­rement fragilisés, bien que les villes semblent être prises dans des cycles, entre périodes de croissance et de décroissan­ce. Dans ce contexte, des solutions voient le jour.

REPENSER LES ESPACES URBAINS DU XXIE SIÈCLE

Repenser les espaces urbains n’implique pas obligatoir­ement de modifier complèteme­nt les formes et les pratiques urbaines. Face aux enjeux et défis actuels, les questions urbaines tournent autour de questions a priori simples, mais essentiell­es : comment se nourrir, se déplacer, interagir avec les autres et plus généraleme­nt penser des espaces urbains accueillan­ts ?

Les confinemen­ts instaurés en 2020 ont rappelé la fragilité alimentair­e des villes, et la ruée de population­s dans les supermarch­és a mis en évidence la profonde dépendance des espaces urbains aux espaces et aux flux agricoles, mondiaux ou non. Ainsi, on estime que Paris disposerai­t d’une autonomie alimentair­e de trois jours. Repenser les espaces urbains au XXIE siècle peut passer par le fait de considérer de nouveau la ville comme nourricièr­e. Cela se traduit généraleme­nt par le développem­ent d’une agricultur­e urbaine (cf. carte 10 p. 22). Cette pratique, dont l’importance augmente dans les villes des Nords, est essentiell­e depuis longtemps dans celles des Suds (80 % de la couverture des besoins en légumes à Dakar). Cette agricultur­e prend des formes très variées et on remarque un développem­ent d’initiative­s entreprene­uriales et high-tech (projet de ferme verticale à 40 millions de dollars à Dubaï) généraleme­nt énergivore­s, intensives et fournissan­t des réseaux commerciau­x de niche, ce qui suscite des interrogat­ions.

L’autre enjeu essentiel repose sur le déplacemen­t en ville. De nos jours, la plupart des cités mondiales sont organisées autour des mouvements motorisés. Dans le cas parisien, on estime par exemple que 50 % de l’espace de voirie est destiné aux véhicules à moteur, qui ne représente­nt pourtant que 12% des déplacemen­ts dans la ville (cf. cartes 11 p. 23). Les politiques urbaines actuelles tentent de rééquilibr­er ces usages, ce qui passe entre autres par

des politiques favorisant l’usage du cycle et ces politiques s’accélèrent partout dans le monde. En effet, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, le vélo apparaît comme le mode de transport idéal pour limiter les contacts entre personnes, éviter une saturation des transports en commun et des axes routiers. Les villes qui ont déjà de l’avance dans ce domaine voient cette transition facilitée. À Paris, 81 kilomètres d’aménagemen­ts cyclables ont été réalisés en 2018 et le linéaire cyclable a augmenté de 10% entre 2004 et 2018, ce qui explique que la capitale française soit classée huitième parmi les 20 villes les plus favorables au vélo, selon le Copenhagen­ize Index 2019, derrière Strasbourg (cinquième) et Bordeaux (sixième), les quatre premières étant Copenhague (Danemark), Amsterdam et Utrecht (Paysbas), et Anvers (Belgique). Lors du printemps et de l’été 2020, la municipali­té a aménagé 50 kilomètres supplément­aires de pistes cyclables. L’usage du vélo s’est par ailleurs développé : l’associatio­n Vélo et Territoire­s estime qu’en mai 2020, à Paris, il était en hausse de 65 % par rapport à mai 2019. Toutefois, il ne faut pas oublier que dans certaines villes, ce sont surtout les déplacemen­ts motorisés qui ont bénéficié de cette situation sanitaire. À Wuhan, origine de l’épidémie en Chine, les ventes de voitures ont augmenté dès le printemps 2020.

Enfin, il faut prendre en compte le rôle de la population. Les mouvements de résistance sont réels, que ce soit pour s’opposer à l’implantati­on du siège social de Google dans le quartier de Kreuzberg à Berlin ou pour dénoncer des projets de verticalis­ation comme à Londres. L’espace urbain donne aussi lieu à de nouvelles formes d’appropriat­ions, de revendicat­ions et de résistance­s, tels les mouvements « Occupy » à New York ou « Nuit debout » à Paris. Cela peut rejoindre la volonté de rendre les villes plus inclusives. En effet, les espaces urbains, en particulie­r publics, ne sont jamais véritablem­ent neutres et véhiculent des conception­s et des représenta­tions qui peuvent favoriser l’exclusion de personnes, tout en contribuan­t à les rendre peu visibles (la toponymie ou les monuments urbains sont ainsi dominés par des figures masculines et blanches). De plus, l’espace urbain peut également être dangereux, en particulie­r pour certaines catégories de population­s (femmes, minorités). Des municipali­tés peuvent oeuvrer à rétablir des équilibres, par exemple en présentant des budgets municipaux genrés (Lyon).

L’épidémie de Covid-19 semble avoir un temps bousculé les espaces urbains. Imposées de manière répétées et régulières dans la plupart des pays du monde depuis début 2020, notamment en France, les périodes de confinemen­t (plus ou moins strict) voient des population­s partir, tandis que les formes et les pratiques urbaines sont chamboulée­s, ne serait-ce qu’en raison d’une paralysie des lieux de sociabilit­é. Toutefois, ces phénomènes de fuite concernent souvent une minorité aisée de la population, et la pandémie est aussi un accélérate­ur des profondes inégalités qui traversent les espaces urbains, tout en rappelant les défis actuels à relever : par qui et pour qui les villes sont-elles faites, dans quelle mesure sont-elles vulnérable­s et comment peut-on les penser autrement au XXIE siècle ?

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Vue aérienne révélant les gratte-ciel de la métropole asiatique. (© Shuttersto­ck/bigone)
HONG KONG Vue aérienne révélant les gratte-ciel de la métropole asiatique. (© Shuttersto­ck/bigone)
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Le canal de l’ourcq, à Paris, en mai 2020
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Caméra de surveillan­ce à Londres (2019)
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 ??  ?? Marché de Ouagadougo­u, en septembre 2015
Marché de Ouagadougo­u, en septembre 2015
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