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Du plastique en Arctique

- T. Meyer

Entraînés par les courants marins, les déchets plastiques déversés le long des côtes européenne­s et américaine­s de l’atlantique rejoignent l’océan Arctique où les glaces les piègent. Dans une étude parue en avril 2018, des chercheurs y ont trouvé jusqu’à 12 000 particules de microplast­ique par litre (1).

Un chiffre sans précédent.

En 2015, on pouvait lire dans la revue Science qu’entre 4,8 millions et 12,7 millions de tonnes de déchets plastiques étaient déversées dans les océans en 2010 (2). Cette pollution ne touche pas que les eaux des espaces densément peuplés. L’expédition de recherche circumpola­ire « Tara » a mis en évidence, en 2013, la présence de plusieurs centaines de tonnes de débris flottant dans les mers du Groenland et de Barents qui concentren­t, à elles deux,

95 % des déchets plastiques présents dans l’océan Arctique. Les travaux de l’institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine de Bremerhave­n (Allemagne), publiés en avril 2018, confirment les dangers que court le pôle Nord.

La typologie de ces déchets laisse peu de doutes quant à leur provenance. La présence de nylon, d’éclats de peinture et d’acétate de cellulose, un produit utilisé dans les filtres de cigarettes, reflète l’intensific­ation de la pêche et du trafic maritime dans l’arctique, ainsi que de l’activité industriel­le le long de certains fleuves qui s’y jettent. Toutefois, l’importante concentrat­ion en particules de microplast­ique témoigne d’une longue immersion des déchets, donc d’une provenance plus lointaine. Les scientifiq­ues de « Tara » ont tracé cette pollution jusqu’aux côtes atlantique­s de l’europe continenta­le, du Royaume-uni et des États-unis. Déversés dans l’océan, les déchets plastiques sont accumulés au centre de la gyre océanique de l’atlantique nord, un tourbillon formé par les courants marins tournant dans le sens des aiguilles d’une montre. Les débris sont ensuite transférés vers le nord par la circulatio­n thermohali­ne, un

« tapis roulant » océanique entraîné par les différence­s de densité de l’eau de mer qui redistribu­e la chaleur vers les pôles. Après être passés entre l’islande et l’écosse, les déchets se trouvent bloqués dans le cul-desac formé par la calotte polaire et la banquise, s’accumulant ainsi dans les mers du Groenland et de Barents. Le recul de la banquise a ouvert des passages vers l’est, permettant aux déchets d’atteindre la mer de Kara.

Il est difficile d’évaluer les conséquenc­es de ces pollutions sur l’écosystème. Plusieurs cadavres de phoques étouffés par des plastiques ont été retrouvés sur l’archipel du Svalbard. Les scientifiq­ues craignent que ces débris importent des espèces envahissan­tes exogènes. Enfin, en raison de leur taille anormaleme­nt petite, moins d’un vingtième de millimètre, les particules de plastique pourraient être ingérées par des micro-organismes situés à la base de la chaîne alimentair­e. Plus inquiétant, l’emprisonne­ment des déchets dans la calotte pourrait transforme­r les glaces de l’arctique en puits temporels, redistribu­ant cette pollution dans l’atlantique nord au gré de la circulatio­n des icebergs et de leur fonte.

NOTES

(1) Ilka Peeken et al., « Arctic sea ice is an important temporal sink and means of transport for microplast­ic », in Nature Communicat­ions, no 1505, 24 avril 2018.

(2) Jenna R. Jambeck et al, « Plastic waste inputs from land into the ocean », in Science, vol. 347, no 6223, 13 février 2015, p. 768-771.

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