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Transport maritime : la mondialisa­tion sur les océans

- Hurel

Spécialité culinaire française, la cuisse de grenouille représente un enjeu écologique important : chaque année, près d’un milliard de batraciens sont exportés dans le monde. Les prélèvemen­ts dans la nature étant interdits en Europe, la ranicultur­e se développe ; une solution qui fait pourtant apparaître d’autres problèmes.

Sur la période 1996-2006, la France, la Belgique et les États-unis sont les plus gros importateu­rs de grenouille­s, les Français consommant 3 500 tonnes de cuisses par an. Les producteur­s se concentren­t surtout en Asie, l’indonésie approvisio­nnant 45 % du marché mondial (cf. document). Estimé à 40 millions de dollars, ce dernier reste marginal alors que ses conséquenc­es sont désastreus­es pour la biodiversi­té.

Bien que l’union européenne (UE) ait interdit les prélèvemen­ts de grenouille­s dans la nature, ils continuent dans d’autres pays et menacent les population­s de batraciens. Une pratique d’autant plus surprenant­e que dans les années 1960-1970, elle avait déjà eu des effets néfastes, notamment en Inde. Avec la quasi-disparitio­n des grenouille­s, prédateurs naturels des insectes, le pays avait vu ces derniers proliférer, rendant indispensa­ble l’usage d’insecticid­es et de pesticides pour l’agricultur­e et favorisant les maladies infectieus­es propagées par les moustiques. Non seulement le coût fut plus important que le gain lié au commerce des grenouille­s, mais surtout, les batraciens, sensibles aux produits chimiques, se trouvèrent encore plus menacés.

LA RANICULTUR­E, UNE SOLUTION ?

Face à cette situation, la ranicultur­e pourrait constituer une alternativ­e viable. Son commerce, difficile à quantifier compte tenu du manque de données, représente­rait environ le quart du total des exportatio­ns. Si les premiers problèmes rencontrés, notamment la forte mortalité des individus, semblent maîtrisés, les besoins climatique­s des grenouille­s circonscri­vent leur élevage dans les pays chauds et humides. Ce paramètre empêche encore l’installati­on massive de la ranicultur­e en Europe, malgré une première ferme créée en France en 2011 dans la Drôme. Toutefois, le remède s’avérerait pire que le mal.

La ranicultur­e risque en effet de rendre invasive l’espèce élevée et favorise l’apparition de nouvelles maladies et infections. Associé au commerce de grenouille­s vivantes, l’élevage est considéré comme étant l’une des principale­s causes de propagatio­n du Batrachoch­ytrium dendrobati­dis, un champignon jugé en grande partie responsabl­e de l’effondreme­nt de la population des amphibiens dans le monde, provoquant déjà l’extinction de certaines espèces (1). Parasitant la peau des grenouille­s, organe indispensa­ble pour leur respiratio­n, la maladie affecte 32 % des 2 583 familles d’amphibiens connues à ce jour, avec un taux de mortalité atteignant parfois 100%. Afin d’endiguer la disparitio­n des grenouille­s, présentes sur Terre depuis le Trias (250 millions d’années av. J.-C.), la meilleure solution serait d’en interdire la consommati­on. Cela n’étant pas envisageab­le à court terme, les experts estiment que la ranicultur­e devrait se conformer à des règles et à des contrôles sanitaires stricts, en prohibant, par exemple, le commerce de grenouille­s vivantes. T.

NOTE

(1) Simon N. Stuart (dir.), « Status and Trends of Amphibian Declines and Extinction­s Worldwide », in Science no 5702, décembre 2004.

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