Texas : un État du sud américain en pleine mutation
Connu pour ses ambiances de western, le Texas a été touché par une vague de froid exceptionnelle en février 2021. Les températures sont descendues jusqu’à - 18 degrés Celsius, provoquant des avaries dans les centrales électriques et le gel des canalisations de gaz et d’eau. Au-delà de l’événement climatique, ce sont les infrastructures et la politique énergétique de cet État qui sont mises en lumière.
Le Texas est le principal fournisseur à la fois de pétrole (41 % en 2019) et de gaz naturel (25 %) des Étatsunis, mais aussi le seul État indépendant énergétiquement. Le gaz naturel constitue près de la moitié de ses propres sources énergétiques (47,4 % en 2019), suivi par le charbon (20,3 %), l’éolien (20 %), le nucléaire (10,8%), et le solaire loin derrière (1,1%). Pourtant complémentaires, toutes ont fait défaut en février 2021. Les infrastructures du Texas sont vieillissantes, et l’absence de raccordement aux systèmes électriques des États voisins le rend plus vulnérable en cas d’intempéries extrêmes. Or le réchauffement climatique multiplie le nombre de tempêtes, d’ouragans, d’incendies, d’inondations, de sécheresses ou, donc, de vagues de froid. En 2020, les États-unis ont cumulé un nombre record de 22 événements climatiques extrêmes, chacun faisant plus d’un milliard de dollars de dégâts. L’existence même de Houston, la plus grande métropole texane, construite en zone marécageuse et inondable, déjà éprouvée par l’ouragan Harvey en 2017, est tout simplement menacée.
ENJEUX POLITIQUES
La demande énergétique subit également une pression démographique importante. Une politique fiscale avantageuse, l’absence d’impôt sur le revenu et un coût de la vie bon marché attirent de plus en plus d’entreprises et de ménages. Désormais, 90 % de la population vit dans une aire métropolitaine. Avec 28,9 millions d’habitants en 2019, le Texas concentre près d’un Américain sur dix, ce qui en fait le deuxième État le plus peuplé derrière la Californie (39,5 millions).
Et la croissance démographique texane est l’une des plus dynamiques du pays : +15,3% entre 2010 et 2019. Ces nouveaux résidents sont plus jeunes (25,5 % ont moins de 18 ans), plus urbains et plus divers racialement (41,2% de Blancs, 39,7% de Latinos, 12,9 % de Noirs, 5,2 % d’asiatiques).
Ils sont également plus souvent démocrates et contribuent à modifier la culture politique. Ils ont notamment une conception plus interventionniste du gouvernement. Si le découpage électoral étaye la domination républicaine au niveau de l’état, des bastions démocrates sont solidement implantés dans les grandes villes, comme Houston, Austin, Dallas ou San Antonio. Ce clivage partisan s’est manifesté fin mars 2021, lorsque le gouverneur républicain Greg Abbott (depuis 2015) a pris l’initiative de lever l’obligation de port du masque. Des maires démocrates ont alors résisté avec leurs propres décrets, avant que le président Joe Biden (depuis 2021) ne réinstaure cette obligation dans tout le pays.
Le Texas sera un enjeu politique pour les démocrates dans les années à venir. Lors de la présidentielle de novembre 2020, Donald Trump (2017-2021) a mieux réussi que prévu parmi l’électorat hispanique, notamment dans le sud de l’état, là où les démocrates sont le plus implantés. D’une part, ces Latinos étaient suffisamment satisfaits de la politique économique de l’administration Trump, notamment de son soutien aux secteurs du pétrole et du gaz, pour compenser sa politique migratoire. D’autre part, la tendance des démocrates à prendre leur vote pour acquis et à ne s’adresser à eux qu’en période électorale a fait des déçus.
DES DÉFIS MIGRATOIRES ET ÉCONOMIQUES
Le Texas est aussi au coeur de la question de la gestion de l’immigration, sur laquelle Joe Biden est attendu. En campagne, il avait promis de créer un système plus humain. Mais un nombre croissant de mineurs non accompagnés et de familles ayant traversé la frontière avec le Mexique, marquée par le rio Grande, sont détenus dans des centres parfois gigantesques en attendant que leur statut soit approuvé ou rejeté. Les immigrés installés au Texas atteignent 4,9 millions de personnes en 2018, dont 51 % sont originaires du Mexique et 1,7 million sont sans papiers, mais ce nombre ne comprend pas tous les clandestins. Longtemps typique de l’ouest américain, le Texas connaît des mutations majeures. Après des héros populaires comme le trappeur Davy Crockett (1786-1836) mort dans la bataille de Fort Alamo ou le roi du pétrole J. R. Ewing dans la série télévisée Dallas, le Texas est devenu une terre d’accueil pour des milliardaires comme Elon Musk, directeur général de la compagnie automobile Tesla et de la société Spacex, ou des entreprises de la Silicon Valley (Dropbox, Palantir,
HP, Oracle) à la recherche d’un climat économique plus favorable. Mais les abattements fiscaux qui ont contribué à attirer ces groupes et de nouveaux ménages occupant les emplois qu’ils offrent ont aussi érodé les recettes publiques. Plus de risques, plus de dépenses et moins de revenus, et des attentes plus élevées de la population en termes de services et d’infrastructures, voici l’équation que le Texas doit résoudre. Sans compter les phénomènes de gentrification qui ont propulsé la valeur médiane d’une maison à 207 000 dollars en 2020, soit une augmentation de plus de 50 % depuis 2010. Pour répondre à ces enjeux, le Texas doit anticiper, entretenir et moderniser ses infrastructures, avec des énergies durables, propres et bon marché.