Recherche médicale : la France en perte de vitesse ?
La France est le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à ne pas avoir son propre vaccin contre la Covid-19 (en date de juin 2021). Ce revers est symptomatique d’une recherche médicale française à la peine en comparaison d’autres pays de l’Union européenne (UE), et qui pâtit d’un sousinvestissement et d’un manque d’attractivité. L’annonce faite par Sanofi, le 11 décembre 2020, du retard pris dans son vaccin codéveloppé avec le groupe britannique GSK et de son report à fin 2021 a
en partie révélé l’ampleur de ce décrochage. L’un des indicateurs fiables de l’évolution de la recherche médicale en matière d’innovation est le nombre de dépôts de brevets enregistrés annuellement à la fois auprès de l’Office européen des brevets, de l’Office japonais des brevets et du Patent and Trademark Office des États-Unis. Il a chuté depuis le milieu des années 2000 en raison de l’apparition des biotechnologies et des thérapies géniques, lourdes, onéreuses et complexes à mettre en oeuvre. Cette baisse du nombre de brevets est marquée en France avec, d’après l’OCDE, 176 brevets de produits pharmaceutiques (sur 398 demandes) et 173 de biotechnologies (sur 457 demandes) en 2016, soit environ deux fois moins qu’en 2008 (respectivement 442 et 303). Rapporté au nombre d’habitants, la France dépose quatre à cinq fois moins de brevets que la Suisse ou le Danemark. Première productrice de médicaments en Europe entre 1995 et 2008, elle n’arrive plus qu’en quatrième position en 2017 après la Suisse, l’Italie et l’Allemagne. La majeure partie de ceux consommés en France est fabriquée à bas coûts en Chine et en Inde.
Ce retard français est principalement dû à l’insuffisance des financements publics alloués à la recherche, notamment fondamentale, et à l’écosystème d’innovations, alors que les évolutions liées aux biotechnologies et à la thérapie génique nécessitent des recherches toujours plus complexes et coûteuses. La France n’arrive plus qu’en septième position des pays de l’UE pour les dépenses de recherche et développement (R&D), avec 2,2 % du PIB en 2017, derrière la Suède (3,3%), l’Autriche (3,2%) ou le Danemark (3,1%). La part des crédits publics en R&D consacrés à la santé a diminué de 28% en France entre 2011 et 2018, alors qu’elle a augmenté en Allemagne (+ 11 %) et au Royaume-Uni (+16%), avec des effets directs sur l’attractivité. En début de carrière, le salaire moyen d’un chercheur en France s’établit à 63 % du salaire moyen des pays de l’OCDE, ce qui explique en partie l’installation à l’étranger de scientifiques pourtant formés en France, à l’image d’Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie 2020.
L’autre facteur est celui du manque d’interactions entre universités publiques et entreprises privées, notamment avec des start-up innovantes qui nécessitent des financements élevés pour une longue durée de développement et sans garantie de succès ou de résultat. Pour rattraper son retard pris depuis le milieu des années 1990, la France se doit d’augmenter les fonds publics alloués à la recherche fondamentale et de la confronter à la partie appliquée.