Cuba : transition au pouvoir en pleine crise du coronavirus
Après la prise de fonction en tant que président de Miguel DíazCanel (né en 1960) en 2018, une nouvelle étape majeure s’est produite dans la transition politique à Cuba. Le 19 avril 2021, il est également devenu le Premier secrétaire du Parti communiste cubain (PCC). Le changement générationnel se réalise alors que l’île fait face à de nombreux défis sociaux.
Depuis le triomphe de la révolution, c’est une première : ce n’est pas un membre de la famille Castro qui dirige Cuba. En succédant à Raúl Castro (né en 1931) à la tête du PCC, Miguel Díaz-Canel est officiellement devenu l’homme fort du pays. L’île de 11,18 millions d’habitants (2020), qui est sous le coup d’un embargo de la part des États-Unis, connaît depuis 1965 un régime socialiste de parti unique. Le PCC y représente « la force dirigeante supérieure de la société et de l’État », selon la Constitution, dont la nouvelle édition de 2019 réaffirma le rôle, tout comme le caractère « socialiste » et non plus « communiste » du système en vigueur. La transition est plus générationnelle que politique. Miguel Díaz-Canel n’est pas un barbudo, du surnom donné aux compagnons d’armes de Fidel (19262016) et Raúl Castro au moment du triomphe de la révolution en 1959. Pour autant, depuis la prise de ses fonctions de président de la République en 2018 (avec un mandant de cinq ans renouvelable automatiquement), il affirme représenter la continuité. Il souhaite poursuivre la politique économique d’ouverture entamée en 2011 par son prédécesseur, qui avait à coeur l’« actualisation » du système socialiste. Il a mis en place, en ce sens, un projet de longue date de Raúl Castro entre janvier et juin 2021 : l’unification monétaire, en supprimant le peso convertible, ou CUC, dont la valeur était indexée sur le dollar depuis 1994, et en ne gardant que le peso cubain.
CRISE ÉCONOMIQUE
Alors qu’elle doit participer à l’actualisation de l’économie cubaine, encore fortement planifiée, l’unification monétaire, souhaitée depuis 2013, a occasionné une inflation record. Le pain, dont le prix n’avait pas varié à Cuba depuis quarante ans, coûte 20 fois plus cher. C’est également le cas pour le riz, le lait, l’essence, les transports, l’eau, le gaz, l’électricité… Et si l’État doit augmenter les salaires des fonctionnaires ou les retraites, il n’est pas certain que cela suffise à amortir le choc pour les Cubains les plus fragiles. À côté de cela, l’île n’a pas été épargnée par l’épidémie de Covid-19. Le pays connaît une seconde vague brutale depuis décembre 2020 et compte, mijuin 2021, environ 1100 décès. Toutefois, Cuba est parvenu, comparé aux autres pays de la région, à bien contenir le coronavirus grâce à son système de santé, qui a toujours été une grande priorité du régime. Cette politique permet à Cuba d’être le pays au monde comptant le plus de médecins par habitant (8,4 pour 1 000 en 2018, selon la Banque mondiale), devant Monaco (7,5). Pour autant, face à l’arrivée de la Covid-19, les dirigeants ont été contraints de fermer les frontières dès mars 2020. Une décision lourde de conséquences : l’île s’est ainsi privée d’une de ses ressources principales de devises, le tourisme, durant trois mois. Si elles sont désormais rouvertes, le secteur reste impacté par plus d’une année de crise majeure. Le pays a dû réduire de 75 % ses importations au premier trimestre 2020,
alors qu'elles representent habituellement 8o% de ce qu'il consomme, notamment en matiere de nourriture. Le manque chronique de devises, aggrave par ce bouleversement economique et couple a !'inflation, a cree des penuries. Ainsi, dans les rues de La Havane, au printemps 2021, il faut parfois attendre plusieurs heures pour esperer acheter un simple poulet.
UNE ILE ASPHYXIEE PAR L'EMBARGO
lnstaure en 1962, !'embargo commercial et financier des Etats-Unis contre Cuba est, malgre les condamnations regulieres de Ia communaute internationale,le plus ancien en place ace jour. Et !'ex-president Donald Trump (2017-2021) a profit€ de Ia crise du coronavirus pour renforcer les sanctions: par exemple, depuis mai 2019, est menacee de poursuites toute entreprise, americaine ou non, faisant de pres ou de loin des affaires avec des biens nationalises lors de Ia revolution de 1959. Une definition floue qui pourrait pousser des compagnies presentes a Cuba a quitter l'lle ou a rendre son approvisionnement encore plus complexe. Quelques jours avant Ia fin de son mandat, Donald Trump avait egalement replace Cuba sur Ia « liste noire » des pays soutenant le terrorisme, gelant ainsi Ia normalisation officialisee en 2014 sous Barack Obama (2009-2017). L'administration democrate de joe Biden, elle, a adopte une posture attentiste et se montre muette a propos de l'lle, si bien que les Cuba ins n'esperent plus rien de Ia part de leur voisin. L'epidemie de Covid-19 et Ia crise economique qui a suivi ont mis en exergue les nombreux defis auxquels Cuba est confront€. Plus que Ia transition generationnelle a Ia tete de I'Etat, ce sont ces elements qui determineront les conditions dans lesquelles le regime castriste va devoir se reinventer, surtout si Miguel Dfaz-Canel souhaite sauvegarder l'esprit de Ia revolution com me i l l e clam e. •