Afghanistan : 20 ans de guerre pour rien ?
Le 7 octobre 2001, les États-Unis lancent l’opération « Liberté immuable », destinée à punir le régime taliban d’Afghanistan, alors au pouvoir depuis 1996, pour héberger Oussama ben Laden (1957-2011), leader d’Al-Qaïda et commanditaire des attentats du 11 Septembre. Près de vingt ans plus tard, en avril 2021, la Maison Blanche annonce le retrait définitif de ses troupes pour le 4 juillet, fermant le chapitre de la plus longue guerre américaine. Un total de 2 261 milliards de dollars a été dépensé sur la période fiscale 2001-2021, une somme astronomique, alors que les Américains ont enterré 2 318 de leurs soldats, un chiffre incomparable avec les pertes au Vietnam (près de 60 000 entre 1955-1975), mais le traumatisme matériel et humain est immense. L’Afghanistan a des institutions, une police, une armée ; la capitale, Kaboul, a de l’électricité, des universités, des restaurants, un réseau Internet, des boutiques de téléphonie mobile… L’âge moyen des 38 millions d’habitants (2019) est de 19 ans. Mais cette vitrine ne reflète pas la réalité d’un pays épuisé par les guerres depuis 1979. La majorité de la population reste rurale, sans accès à l’eau, à l’éducation ou à des infrastructures routières. Après leur victoire contre les talibans en décembre 2001, les États-Unis ne veulent pas s’enliser, alors que se profile un nouveau front contre l’Irak de Saddam Hussein (1979-2003). Les talibans en profitent et se reforment. À la différence d’Al-Qaïda ou de l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech), ils ne se définissent pas comme des djihadistes internationaux, mais comme des islamistes nationalistes, avec des intentions de gouvernance. Ils remplissent les vides laissés par l’État central, faible et rongé par la corruption, offrant par exemple des services de justice. Les talibans s’affichent tel un mouvement « présentable » et s’engagent dans un processus de paix avec les États-Unis à Doha (Qatar), arrivant à l’accord du 29 février 2020 qui prévoit le retrait des troupes américaines. Si l’absence de tout militaire étranger était la priorité des talibans, il demeure de nombreuses inconnues dans un contexte de tensions entre ces derniers et le gouvernement, et de retour à des logiques tribales. La lassitude de la population tendrait à lui faire accepter un retour des fondamentalistes au pouvoir, au nom de la stabilité. La communauté internationale peut-elle lâcher le pays après avoir tant dépensé ? Les talibans ont-ils une administration viable ? Pourront-ils imposer des mesures rigoristes alors que les Afghans ont changé, surtout dans les villes ? Leurs opposants tairont-ils les armes ? La nouvelle étape politique de l’Afghanistan peut encore une fois déboucher sur la guerre.