Le terrorisme « islamiste » vingt ans après le 11 Septembre
Le 15 août 2021, les talibans entrent dans Kaboul pour rétablir, vingt ans après la chute de leur régime (1996-2001), un émirat islamique en Afghanistan. S’il y a une « bonne nouvelle » à retenir de cet événement majeur dans un pays plongé dans la guerre depuis 1979, c’est la possible baisse des attaques terroristes dans le monde… Car les « étudiants en religion », liés à Al-Qaïda, sont le principal responsable d’attentats sur la planète en ce début de XXIe siècle.
Le 11 septembre 2001, le monde entier assistait en direct à la télévision à l’une des attaques terroristes les plus marquantes de l’histoire contemporaine : quatre avions s’abattaient comme des bombes sur trois villes des États-Unis (New York, Arlington, Shanksville), faisant près de 3 000 morts. La première puissance mondiale était alors la cible d’Al-Qaïda, réseau terroriste créé et dirigé par Oussama ben Laden (1957-2011). Washington se lançait dans une « guerre contre le terrorisme » sans limites, chassant en 2001 de Kaboul les talibans, considérés comme les hôtes d’Al-Qaïda et, à ce titre, les responsables du 11 Septembre, puis, dans la continuité, en 2003, annihilant le régime baasiste de Saddam Hussein (1979-2003) en Irak. Cette force destructrice n’a toutefois pas arrêté la violence, bien au contraire, favorisant l’apparition de groupes armés décidés à s’attaquer non seulement aux Américains, mais aussi, et surtout, aux autorités installées par ces derniers dans leur pays. Ainsi naissait l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech). Ainsi les talibans se renforçaient, jusqu’à leur retour au pouvoir.
MUSULMANS CONTRE MUSULMANS
En 1979, l’Afghanistan est sur le devant la scène internationale avec l’arrivée dans le pays des Soviétiques et le début d’une guerre de dix ans. Avec l’islam comme référence, le peuple afghan prend les armes pour combattre l’Armée rouge. Depuis cette date et jusqu’en 2019, 33769 attentats ont été perpétrés par des groupes dits « islamistes » (sunnites et/ou djihadistes), causant la mort d’au moins 167 096 personnes, selon une étude de la Fondation pour l’innovation politique(1). On note une nette augmentation de ce genre d’actions après 2001, conséquence de l’intervention américaine en Afghanistan, et après 2011 et le début des conflits nés des « printemps arabes ». Parmi les auteurs, l’EI arrive en tête de ce macabre décompte, étant responsable de 31,5 % des morts, devant les talibans (23,8%) et Al-Qaïda (8,8%). Ce constat se confirme lorsque l’on regarde les données sur le
terrorisme global pour la seule année 2019 : sur les 8473 attaques recensées, les « étudiants en religion » afghans sont premiers (1 375), suivis de quatre autres organisations islamistes, avant le Parti communiste d’Inde (maoïste) et la Nouvelle armée populaire aux Philippines (2). De façon logique, la région la plus touchée concerne les pays arabo-musulmans (Maghreb et Machrek) avec une estimation de 13527 at- tentats et 73984 morts sur la période 19792019, et l’Afghanistan est l’État le plus meurtri (8 460 attaques et 36 725 victimes), une position en haut du tableau qu’il occupe en 2019, avec donc les talibans en premier responsable mondial. On comprend aussi que l’immense majorité (89,2%) de ces actions a été commise, sur la période 1979-2019, dans des États musulmans contre des musulmans. Les terroristes islamistes assassinent des coreligionnaires et des concitoyens. Il faut dire que la zone souffre de conflits graves et durables, en Syrie, en Libye, au Yémen, au Sahel… L’Europe, qui a certes été touchée, notamment la France, reste relativement préservée de ce danger.
CONCURRENCE ISLAMISTE
Dans le cas afghan, le terrorisme a causé la mort d’au moins 45 083 personnes entre 2001 et 2019, dont 5 725 pour cette dernière année. La plupart étaient membres des forces armées et de police, mais aussi de simples civils. Si l’EI est présent dans le pays, il n’est responsable finalement que de peu de ces morts, la quasi-totalité étant imputable aux talibans, dont la force de frappe et l’influence sur le terrain a participé à l’affaiblissement de Daech, également cible des interventions américaines. Si leur retour au pouvoir
en août 2021 s’est en apparence fait dans le calme et sans effusion de sang, il a été précédé par une immense violence terroriste. Le rétablissement d’un émirat islamique fera-t-il taire les bombes ? Les fondamentalistes souhaitant instaurer de véritables instances de gouvernance, comme entre 1996 et 2001. Et le réseau Haqqani, lié à Al-Qaïda et dont le représentant est Sirajuddin Haqqani, important chef militaire taliban, peut contenir les velléités de l’organisation terroriste sur le sol afghan. Toutefois, la violence restera l’outil privilégié des ennemis islamistes intérieurs des talibans, à savoir l’EI, comme l’a prouvé l’explosion, le 26 août 2021, aux abords de l’aéroport de Kaboul, commise par un kamikaze (plus de 180 morts). La menace terroriste de l’EI est donc réelle, mais le nombre d’attentats islamistes devrait baisser, les « étudiants en religions » ayant atteint leur objectif principal. Par ailleurs, cela confirmerait une tendance générale depuis quelques années : si le nombre d’attaques terroristes et de victimes qu’elles causent reste élevé en 2019, il baisse de façon continue depuis 2014. Apparu dans les années 1980, le terrorisme « islamiste » s’est affirmé durant la décennie suivante, dans le contexte de la guerre civile en Algérie (19922002), dont les échos arriveront jusqu’en France avec les attaques de 1995 à Paris. Au ProcheOrient, le Hamas, né en 1987, s’impose avec force dans le conflit avec Israël, au détriment des nationalistes de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). L’islamisme armé s’invite