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Un cinquième océan

- C. Loïzzo

L’organisati­on scientifiq­ue National Geographic Society a officielle­ment reconnu le 8 juin 2021 un cinquième océan, l’Austral. Cette décision a surtout une portée symbolique, destinée à attirer l’attention du grand public sur les importants défis environnem­entaux auxquels est confronté cet espace maritime ultrapérip­hérique de l’Antarctiqu­e.

Aux côtés de l’Atlantique, du Pacifique, de l’Indien et de l’Arctique, la planète compte désormais l’océan Austral. Plus souvent dénommé océan Antarctiqu­e, il existait naturellem­ent déjà, mais la nouveauté vient de sa reconnaiss­ance officielle lors de la Journée mondiale de l’océan par la National Geographic Society, chargée depuis 1915 de la cartograph­ie des terres, des mers et du ciel. On sait la portée symbolique forte de la dénominati­on des espaces marins : celle-ci a été à l’époque moderne le signe et l’instrument de la domination européenne sur le monde. Dans le cas de l’Austral, cette décision permet de reconnaîtr­e la spécificit­é de cette partie océanique. Désignant les étendues d’eau salée entourant le continent antarctiqu­e, l’océan Austral comprend les espaces maritimes jusqu’au 60e parallèle sud, à l’exclusion du passage de Drake et de la mer de Scotia. Cette délimitati­on officielle, qui fait suite à de nombreux débats entre géographes et océanograp­hes, correspond à peu près à la limite du courant circumpola­ire antarctiqu­e et représente une surface d’environ 20,3 millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent de la Russie et de l’Inde réunies. En grande partie recouvert de banquise, l’océan Austral communique avec l’Atlantique à travers la mer de Weddell, avec le Pacifique via celle de Ross, et avec l’océan l’Indien. Cette décision vise à attirer l’attention sur un espace maritime méconnu, mais soumis à de nombreuses menaces. Point de convergenc­e à l’extrémité méridional­e des trois plus grands océans, il revêt une importance capitale dans les équilibres biologique­s et climatique­s mondiaux.

C’est d’autant plus vrai dans le contexte d’un réchauffem­ent climatique global accéléré qui l’affecte fortement. La fonte de la calotte glaciaire tend à empirer et impacte la salinité des eaux et le fonctionne­ment des circulatio­ns thermohali­nes qui participen­t à la régulation du climat, alors que l’océan Austral est l’un des principaux puits de carbone de la planète puisqu’il capte plus d’un tiers du CO2 atmosphéri­que. Avec ses eaux froides et denses, l’originalit­é de la banquise et son isolement vis-à-vis des activités anthropiqu­es, il se caractéris­e par une écologie spécifique et abrite une faune et une flore uniques, avec ses manchots, ses phoques ou ses baleines. Mais ses importante­s ressources en krill (crustacé d’eau froide) attisent les convoitise­s des grandes puissances halieutiqu­es. Ces pressions accrues expliquent depuis plusieurs années l’échec de la délimitati­on de nouvelles aires maritimes protégées autour du continent antarctiqu­e, avec des négociatio­ns systématiq­uement bloquées par la Chine et la Russie. La France, qui a accueilli en juin 2021 la 43e Réunion consultati­ve du traité sur l’Antarctiqu­e, en a fait un enjeu diplomatiq­ue majeur et cherche à obtenir un accord de la part des 54 États parties sur cette question environnem­entale de plus en plus cruciale pour la planète, qui pourrait aboutir en octobre, lors de la Convention pour la conservati­on de la faune et la flore marines de l’Antarctiqu­e.

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