AIDES AUSTRALIENNES
Afin de contrer l’influence de la Chine en Océanie, l’Australie maintient une importante aide au développement. Durant la décennie 2006-2016, Canberra a été le principal donateur, avec 7,7 milliards de dollars, devant les États-Unis (1,8 milliard), la Chine (1,7 milliard) et la Nouvelle-Zélande (1,3 milliard). La Papouasie-NouvelleGuinée absorbe 44 % de cette aide australienne, et le Timor oriental 10 %. La Nouvelle-Zélande tente de maintenir sa place : son aide est essentiellement tournée vers le Pacifique, qui représente 61 % de celle-ci, contre 16 % pour l’Asie, 2 % pour l’Afrique, 1 % pour l’Amérique latine et 20 % pour l’aide multilatérale.
importance économique est loin d’être secondaire. L’exploitation des nodules polymétalliques n’est pas encore une réalité commerciale pour des raisons techniques, mais un ensemble de permis ont été délivrés par l’Autorité internationale des fonds marins, permettant des travaux exploratoires. La souveraineté sur les eaux marines permet aussi de développer l’exploitation des produits de la mer. Si la pêche au thon représente l’essentiel (60%) de la valeur de ces productions dans les petits pays du Pacifique, une part importante (20 %) résulte de l’aquaculture. Il s’agit de petites fermes marines qui côtoient les activités de pêche côtière dans les îles. Ces activités en général modestes n’en sont pas pour autant marginales pour les populations locales. Ainsi, à côté de l’emblématique culture de la perle en Polynésie française, se développent de nombreux petits producteurs (Fidji, Tonga, Cook, Marshall, Papouasie-Nouvelle-Guinée). La même chose peut être observée avec les crustacés, dominés par la crevette néo-calédonienne qui a quelques concurrents potentiels (Vanuatu, Fidji, Mariannes, Polynésie française). S’il existe une vraie diversité des productions de la mer, la problématique de la pêche au thon est économiquement dominante. Elle implique l’établissement de droits de pêche pour des pays possédant peu de bateaux adaptés et cherchant à tirer profit du passage des flottes étrangères, en particulier asiatiques (Chine, Taïwan, Philippines, Japon, Corée du Sud). Dans le cadre de la coopération régionale, les marines française, australienne et néo-zélandaise multiplient les opérations de contrôle pour limiter les prises illicites. C’est un sujet récurrent de discussion au sein des nombreuses associations régionales présentes dans cette partie du monde. Si l’ASEAN est la plus ambitieuse, on trouve aussi la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), à laquelle participent les États-Unis, ou le FIP, né de l’opposition à la politique nucléaire de la France. À ce propos, on rappellera la signature, en août 1985, du traité de Rarotonga, qui mit en place une zone dénucléarisée dans le Pacifique Sud. Mais les sous-marins à propulsion nucléaire ne sont pas concernés par ce texte, tandis que la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des expérimentations françaises entre 1966 et 1996 sur les atolls de Mururoa et de Fangataufa n’ont été actées par loi qu’en janvier 2020. Pour sa part, le nucléaire civil est absent du continent océanien hors des réacteurs de recherche en Australie.
UN ESPACE NATUREL À PROTÉGER EN VOIE DE DISPARITION ?
Le Pacifique couvre à lui seul un tiers de la surface totale du globe et dispose d’une des biodiversités les plus importantes au monde, dont 15 à 20 % des espèces n’ont jamais été étudiées (cf. carte 10 p. 22-23). Les récifs coralliens de cette région sont ainsi souvent présentés comme l’« Amazonie des océans », rappelant au passage l’image de « paradis touristique » d’un espace réputé pour ses plages. Toutefois, contrairement aux idées
reçues, les évolutions du tourisme montrent que cela ne profite pas aux nations océaniennes, qui ont aussi souffert des effets économiques de la pandémie de Covid-19. Cela a rappelé l’un des problèmes majeurs du Pacifique : l’isolement. Le coût d’accès à de nombreux petits pays est prohibitif. Les lagons sont loin de l’Europe, principal bassin émetteur de touristes internationaux, et en général pas bien connectés à l’Amérique du Nord et à l’Asie orientale. Ces difficultés d’accès se retrouvent à l’intérieur même de nations faites d’îlots. Face aux défis de la pollution et du changement climatique, la question de la protection des milieux marins, des récifs aux espèces en danger, devient de plus en plus présente. La protection de ces espaces passe par des politiques nationales comme le classement de zones maritimes en parcs nationaux protégés, qui a été effectué par Kiribati au milieu des années 2000 et par les États-Unis pour les atolls inhabités du nord du Pacifique. La taille de ces zones et la faiblesse de nombreux États insulaires ont entraîné des accords multilatéraux, comme l’Initiative du triangle de corail entre nations asiatiques et océaniennes ou le Challenge micronésien. De même, les organisations régionales (FIP) et internationales (UNESCO) participent à la politique de protection du milieu marin. Sur les terres, la question de la protection de l’environnement est plus essentielle encore. En Australie et en Nouvelle-Zélande, par exemple, les populations sont sensibilisées et mobilisées sur l’urgence écologique. Toutefois, cela n’éloigne pas des menaces durables avec l’accélération de l’élévation du niveau marin. Les estimations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prédisent une augmentation de 0,30 à 1,10 mètre au cours du XXIe siècle. Le Pacifique sera-t-il le théâtre de la disparition du premier État par engloutissement dans les océans ? Ce péril est pris au sérieux par de nombreux gouvernements et la communauté scientifique. Si, pour la plupart des îles, une telle élévation sera surmontable – les montagnes de Tahiti sont plus élevées que les plus hauts sommets australiens –, les pertes de terres côtières
et les coûts en matière d’adaptation des infrastructures seront énormes. Les risques de tsunami ou les dégâts engendrés par les cyclones représentent souvent des urgences plus palpables. Néanmoins, pour les atolls qui émergent de quelques mètres au-dessus des mers, cette élévation est catastrophique. Plus que l’engloutissement pur et simple, c’est le risque de submersions régulières stérilisant les sols et détruisant les habitations qui devrait rendre bientôt la vie impossible. C’est pour cela que les pays de l’océan Indien ou du Pacifique constitués essentiellement d’atolls, comme Tuvalu et Kiribati, tirent le signal d’alarme. Ils ont mis ainsi en place l’Alliance of Small Island States (AOSIS) pour porter la voix des Small Island Developing States (SIDS) au sein des Nations unies. Cette incertitude, additionnée au manque d’attractivité économique, pousse les populations à partir, notamment les élites, générant une menace supplémentaire. Voilà le véritable défi pour de petites nations du Pacifique confrontées au jeu des puissants et à une angoissante évolution : arriver à gouverner des entités que les populations désertent. La guerre en Ukraine invite à s’interroger sur les défis géopolitiques dans le Pacifique et sur les jeux d’alliance. En effet, elle remet notamment en question l’objectif principal du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, à savoir limiter la montée en puissance de la Chine dans la région, car l’un de ses membres, l’Inde, est le seul à s’être abstenu lors du vote du 2 mars 2022 à l’Assemblée générale de l’ONU pour condamner l’attaque russe. New Delhi est même allé plus loin en achetant à la Russie plus de pétrole, énergie qu’elle importe à 80 %, sachant que Moscou est également son premier fournisseur d’armes. Dans ce jeu d’équilibre, prenant en compte intérêts stratégiques et priorités économiques, le pays du Premier ministre Narendra Modi (depuis 2014) sait aussi qu’il a besoin du soutien des États-Unis, et donc de l’Australie, face à l’hostilité du Pakistan et de la Chine dans ce Pacifique très convoité.