Les promesses de l’aube : des vignerons face au changement climatique
En avril 2021, une vague de froid inédite s’abat sur la Touraine. Les viticulteurs ne peuvent échapper aux gelées. Des nuits durant, sous des températures négatives, ils arpentent les rangs de vignes, allument des bougies et des braseros, font tourner des éoliennes, aspergent les arbustes avec de l’eau afin de créer une poche de glace autour des bourgeons… Une vraie lutte s’engage pour sauver la récolte ; à quel prix ?
La rythmique du film est intéressante : entre lenteurs et accélérations. Nous suivons pas à pas les vignerons dans leurs longs moments de craintes, mais aussi d’émerveillements. La lenteur est nécessaire, elle s’impose. Mais, brusquement, tout va plus vite : le gel arrive, les stratégies individuelles et collectives doivent se mettre en place dans les plus brefs délais. Puis revient l’attente, il faut veiller, surveiller, espérer le lever du soleil, les promesses d’une aube salvatrice. Écrit et réalisé par Florian Revol et Corentin Thermes, doctorants en géographie à l’université de Tours et dont les travaux de recherche traitent de l’adaptation de la viticulture aux impacts du changement climatique, ce long métrage documentaire permet de mettre en perspective les défis majeurs que les vignerons doivent relever face à la transformation de la nature et aux évolutions de la viticulture moderne. Car le secteur doit désormais faire face à des périodes de gel de plus en plus fréquentes et intenses. Même s’ils se concentrent sur deux appellations tourangelles – Bourgueil et Saint-nicolas de Bourgueil –, les réalisateurs mettent en avant la diversité des approches et des points de vue.
JUSQU’OÙ LUTTER ?
À mesure que le film avance, le spectateur prend la mesure du défi, mais également de l’absence de réponse évidente sur la manière de le relever. Alors que le climat impacte directement la croissance de la vigne, sa physiologie, le rendement et la composition des baies et donc les attributs et la typicité du vin, le changement climatique pourrait non seulement transformer cette typicité, mais aussi remodeler la répartition géographique des régions viticoles. L’évolution du climat nécessite par conséquent la mise en oeuvre de stratégies d’adaptation appropriées qui doivent être planifiées et tenir compte des conditions locales.
Mais jusqu’où s’adapter ? Jusqu’à quel point lutter ? Certains vignerons interrogés dans le documentaire remettent en question le fait même d’aller à l’encontre de ces phénomènes imposés par la nature. Les approches diffèrent, tout comme le curseur que chacun place face aux enjeux économiques, éthiques et environnementaux qu’ils doivent relever. En bons universitaires, les réalisateurs ont la pertinence de ne pas prendre parti, mais d’évoquer une diversité de réponses, ou tout du moins de mettre en avant une variété d’actions et de réflexions. Plus qu’un film sur l’adaptation des vignerons face au changement climatique, ce documentaire éclaire sur les enjeux de l’agriculture de demain. N. Rouiaï