Causette

Violette : « Mon mari et moi : des compagnons de route »

- Propos recueillis par Agnès GIARD Si vous aussi vous souhaitez témoigner, écrivez à fessecache­e@causette.fr

‘‘Je suis sage-femme, j’ai 38 ans. Je me souviens que, lorsque j’étais plus jeune, mon père ne censurait pas les scènes de sexe à la télé, même si cela embarrassa­it un peu ma mère. Il disait : « Ah, mais c’est naturel ! Comment croyez-vous qu’on vous a faits ?! » Nos parents faisaient chambre à part. Je ne les ai jamais vus se témoigner de l’affection. Ça m’a peut-être rendue distante en amour. Vers 12-13 ans, je traînais beaucoup avec les garçons, mais en spectatric­e, détachée. J’étais la bonne copine. Puis j’ai eu plein d’aventures. Mais être embrassée, touchée, c’est tout ce que je connaissai­s. Au lycée, je sortais avec un garçon que j’ai surpris avec ma meilleure amie. J’ai demandé à mon amie si elle l’aimait, elle m’a répondu : « Je crois que oui. » Envisageai­t-elle une relation plus sérieuse ? Oui. J’ai demandé à mon copain la même chose. Puis j’ai conclu : « Si vous êtes bien ensemble moi, ça me va. » Je considérai­s déjà la jalousie comme un sentiment inutile. On aime l’autre tant qu’il manifeste de la tendresse, du désir, que l’on continue à communique­r tout en respectant ses silences. On aime l’autre parce qu’il vous aide à vous accomplir dans vos cheminemen­ts personnels. J’ai eu mon premier rapport vers 17 ans, avec l’ancien petit ami d’une copine. J’étais en train de quitter mon copain du moment parce qu’il devenait possessif. En terminale, j’ai voulu avoir une relation plus stable.

« Il me semble que notre amour n’a fait que s’enrichir de tous ces moments durant lesquels nous avons hésité (ou pas) à aller voir ailleurs, sexuelleme­nt ou amoureusem­ent »

Je suis restée cinq ans avec un garçon qui m’était très attaché, mais il étudiait dans une autre ville. Quand il m’a rejointe et qu’on a pris un appartemen­t ensemble, on a mis quelques règles en place, en se disant qu’on avait chacun une vie avant de se rencontrer. Il fallait se laisser de l’espace pour ne pas étouffer. Cela a marché les deux premières années puis, petit à petit, il n’a plus voulu voir ses amis. C’est moi qui sortais avec eux. Quand je proposais de les inviter, il refusait. J’ai fait avec. Mais lorsqu’il a commencé à poser des questions (« Tu vas où ? Avec qui ? À quelle heure tu rentres ? »), je lui ai expliqué que ce n’était pas du tout la vision que j’avais du couple et que c’était invivable. Lorsque mes études m’ont conduite à Paris, il a calé les siennes en fonction des miennes. Et là, ce fut la dégringola­de. J’étais souvent absente à cause des stages et de mon job étudiant. Il était si jaloux… Pour en finir, je l’ai ouvertemen­t trompé. C’est d’ailleurs dans ce contexte que j’ai rencontré mon futur mari, qui a donc été témoin de tout : la valse de mes amants, les arrivées à l’improviste de ce compagnon possessif… puis la rupture, vécue comme un soulagemen­t. André habitait le même arrondisse­ment que moi. Il me raccompagn­ait souvent quand on terminait tard. Il me posait des questions, mais ne me faisait aucune leçon de morale. Lui-même avait des problèmes de couple. Lorsque je suis partie à l’étranger pour une formation de plus de sept mois, il m’a accompagné­e à l’aéroport. Il avait un regard un

peu absent, mal à l’aise. Je crois être tombée amoureuse à cet instant-là. Mais je partais... Plus tard, j’ai appris que sa mère avait vu une photo de moi chez lui. À la question « Qui estce ? », André avait répondu : « Celle que j’attends. » De retour à Paris, je l’ai appelé. Il m’a aussitôt donné rendez-vous, sans me préciser le lieu. Je me suis donc rendue chez lui. Sa compagne m’a accueillie. Elle savait qui j’étais. Le soir même, il la quittait. Lorsque qu’il m’a proposé de l’épouser (lui qui était contre le mariage), les termes de notre « contrat » allaient plutôt de soi, car nous avions tous les deux beaucoup parlé. Il y a le couple, il y a lui et il y a moi (je, tu et nous). On était bien d’accord que la vie est faite de rencontres et qu’une rencontre peut aboutir à bien des choses : une amitié, une aventure d’un soir ou plus longtemps… Il fallait pouvoir rester ouvert à ces « aboutissem­ents ». On a parlé de la jalousie aussi. La jalousie, c’est le manque de confiance en soi et l’envie d’avoir plus d’attention. On n’en voulait pas. C’était il y a quinze ans. Depuis lors, il me semble que notre amour n’a fait que s’enrichir de tous ces moments durant lesquels nous avons hésité (ou pas) à aller voir ailleurs, que ce soit sexuelleme­nt ou amoureusem­ent. J’ai refusé de compartime­nter le coeur et le cul, préférant courir le risque d’une rupture que segmenter la vie entre des choses autorisées et interdites. Nous sommes entiers, et le désir nous trouble audelà des limites imparties. À quoi bon se mentir sur ce que l’on ressent ? Mieux vaut parler. Les relations hors couple ne sont possibles que si on est libre de se parler. Un jour, une collègue qui s’étonnait de notre liberté (« Je peux te le prendre ? » ) et à qui j’avais dit en riant : « Mais oui, prends-le, s’il est d’accord », lui a donné rendez-vous chez elle. Il est rentré une heure après, je n’ai jamais posé de questions… Qu’en retiret-on ? De l’honnêteté, du respect de soi, l’envie de s’améliorer ; cela nous tire vers le haut dans le sens où nous appréhendo­ns les événements de la vie avec plus de sérénité, parce qu’on n’a pas peur de les analyser, de les affronter, même si, au moment de le faire, on est tout fébrile. Lorsqu’une personne envie notre situation, je la mets en garde : tout le monde ne peut pas faire cela. On peut aimer l’idée, mais c’est beaucoup de travail sur soi. La liberté a toujours un prix.”

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