L’énigme de l’inaction
(Mais qu’est-ce qu’on attend ?)
S’il y a bien une chose pire que la crise écologique, c’est notre manque de volonté à l’éviter : malgré les études scientifiques accablantes, la réponse que l’humanité apporte au saccage définitif de son environnement n’est pas à la mesure des enjeux. Le cinquième rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2014), qui synthétise les travaux de milliers de chercheurs, ne laisse aucune place au doute : la hausse des températures nous mène droit à LA catastrophe. Tout cela, nous le savons. Alors, comment expliquer que nous n’agissions pas ? Qu’est-ce qui bloque ? Et comment faire pour que cela cesse ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons interrogé deux spécialistes.
Clive Hamilton est un intellectuel australien, auteur de Requiem pour l’espèce humaine. Il relève que « nous avons fondé une bonne part de notre identité personnelle sur notre activité de consommateur » et que « si, pour résoudre le changement climatique, nous devons changer notre façon de consommer, cela signifie en réalité que nous devons renoncer à notre identité – mourir en quelque sorte ». Changer d’identité, vraiment ?
Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Parce que j’ai été choqué. Il est dur de se confronter à la vérité que les climatologues nous révèlent. Au-delà des prévisions optimistes sur la façon dont la communauté humaine répondra aux avertissements, nous allons tout droit vers un monde plus chaud de 4 °C vers 2070. Ça ne semble pas beaucoup, mais c’est une moyenne. Pendant l’ère glaciaire, lorsque New York était sous 100 mètres de glace, la température sur la planète était seulement 5 °C plus froide qu’aujourd’hui.
Pourquoi faisons-nous, individuellement, aussi peu pour changer le monde ?
Personne ne veut croire ce que disent les scientifiques. C’est trop douloureux. Cela signifie la fin du futur que nous imagi-
nions, c’est-à-dire une version sans cesse améliorée du présent. Nous nous inventons donc des histoires pour émousser le message : « Les écologistes exagèrent toujours » ou « si les choses allaient si mal, le gouvernement ferait quelque chose ».
Est-ce dû à un manque d’informations ?
Non, l’information circule suffisamment, et cela depuis quinze ans ! Il est plutôt question d’un refus d’agir. En réalité, attendre plus d’informations représenterait davantage un moyen de repousser encore l’action. Le problème n’est pas scientifique, mais psychologique et politique. Ainsi, que va-t-il se passer ? La vérité, c’est que nous marchons comme des somnambules vers un avenir catastrophique. Nous prétendons que nous sommes préoccupés par le futur de nos enfants et de nos petits-enfants, mais le sommesnous vraiment ?