C’était mieux avant ?
Il y a deux siècles encore, l’adolescence n’existait pas. D’enfant pubère, l’on devenait adulte en se pliant à des rituels initiatiques : service militaire devant l’État, confirmation devant l’Église et concrétisation de l’autonomie par le mariage. C’est la bourgeoisie du XIXe siècle qui fera émerger l’âge intermédiaire de « l’adolescent ». Il est ce jeune homme bourgeois qui poursuit ses études et demeure donc financièrement dépendant de sa famille. Flaubert lui donne le nom et les tourments de Frédéric Moreau dans L’Éducation sentimentale. Peu à peu, la notion d’adolescence englobe toutes les classes sociales et intègre les jeunes filles. En mai 68, de Gaulle résume : « La jeunesse, qui est soucieuse de son propre rôle et que l’avenir inquiète trop souvent. » Et avant ? « L’adolescent a besoin d’être reconnu comme un être différent de l’enfant qu’il était » , explique le psychiatre Patrice Huerre. Par ses rituels du passé, la société montrait au tout nouvel adulte qu’elle lui faisait une place et « canalisait ainsi les conduites problématiques » . Canaliser n’est pas empêcher. « Le malaise adolescent a toujours existé, mais il ne se voit que lorsqu’il dérange, défend la psychiatre Annie Birraux. Lorsque les jeunes sont contraints par les us et les traditions, le malaise s’exprime moins par des conduites provocantes que par une souffrance intériorisée. »