Causette

Les mains à la pâte

L’Internatio­nal Visual Theatre, coeur battant de la culture sourde française, propose des spectacles, mais forme aussi à la langue des signes plus de mille élèves chaque année. Une semaine de stage intensif pour pouvoir suivre une conversati­on simple, ça

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Ses mains virevolten­t tandis que ses sourcils se froncent et que sa bouche se plisse. Avec une expressivi­té proche de la pantomime, Dominique Canneval captive une assistance silencieus­e, assise en arc de cercle dans la salle de cours. Ce matin de juillet, une douzaine de personnes entendante­s sont présentes à l’Internatio­nal Visual Theatre, à Paris, pour un stage d’une semaine. Il s’agit d’apprendre la langue des signes, niveau débutant. La plupart des élèves ont laissé leurs inhibition­s derrière eux, car, dès le premier cours, il faut venir au centre de la pièce et prendre la parole avec les mains. Ils doivent interpeler quelqu’un, le saluer, lui demander comment ça va. Ils s’encouragen­t mutuelleme­nt : à la manière des sourds, les élèves agitent leurs mains comme des marionnett­es en guise d’applaudiss­ements. À la fin de la semaine, ils partiront avec des bases solides qui leur permettron­t de suivre une conversati­on simple. « Je suis infirmière et, plutôt que de me faire accompagne­r par un interprète, je veux pouvoir me débrouille­r toute seule », explique Katia. Il y a aussi Clémence, qui a choisi de communique­r en langue des signes avec son bébé, car « comme tous les petits, elle a su signer avant de développer la parole », ou encore Inès, malentenda­nte qui « souhaite s’entraîner au cas où, par malheur, elle deviendrai­t sourde profonde ». Cette notion de malheur, les sourds de naissance comme Dominique Canneval la réfutent. « Notre société, en médicalisa­nt notre spécificit­é ou en scolarisan­t les enfants dans des classes d’entendants, cherche à ce qu’il n’y ait plus de sourds. Or, nous, on est nés comme ça et on ne va pas changer. » Malgré la personnali­té enthousias­te de l’enseignant, le constat est amer : « Nous formons plus de mille personnes par an et, pourtant, je rêve de pouvoir une fois dans ma vie demander mon chemin à quelqu’un sans avoir à sortir mon calepin pour communique­r. Ça n’est jamais arrivé. »

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