Causette

J’ai l’hymen politique qui me démange.

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Marre d’être prise pour une bleue. Une bleue-bite même, pardonnez-moi l’expression. Ainsi ai-je lu à propos de Nicolas Sarkozy, dans Le Monde du 22 septembre : « Selon ses conseiller­s, l’ex-président avait tout intérêt à rester le plus longtemps possible en retrait, afin de se refaire une virginité dans l’opinion. » Voilà bien une manière éhontée de nous prendre toutes et tous pour des jouvencell­es juste tombées du nid : il suffirait de se faire oublier un peu pour que nous zappions tous les sales coups qu’on nous a faits quelques petites années auparavant ! En politique, l’hymen serait donc comme la queue des lézards : laisse-moi donc me reposer deux secondes, que ça repousse, et je reviens ! Ben voyons. Souvenez-vous, après sa condamnati­on dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, Alain Juppé est parti se rafraîchir le CV pendant une année au Québec, et hop ! escamotée, la magouille ! Marine Le Pen, elle, n’a eu qu’à tremper un peu le pinceau pour repeindre en bleu marine la façade du parti de son père et paf ! où qui sont le nationalis­me, le racisme et l’antisémiti­sme ? Oh ça alors, tout qu’a disparu ! Quant à Hollande, vous verrez qu’après la fin de son mandat, il vous jurera avoir retrouvé son petit manuel de la gauche et des promesses tenues, avoir aussi changé et tout bien retenu sa leçon. Trois mois « en retrait » en Corrèze et il nous reviendra avec l’innocence d’un stagiaire copéiste. Non, mais vraiment... Ils sont vierges comme je suis curé de campagne, le vent siffle à travers leur hymen et l’air qu’il chante a fini de me plaire. L’hyménoplas­tie politique, ça va bien un moment. Continuez donc à nous prendre pour un peuple de courges amnésiques si vous voulez, mais ce que je sais, c’est que la seule virginité qu’il nous reste, à nous les quiches, c’est celle de l’action politique directe. Et pour se déflorer, tous les outils existent : comme nous savons faire du Airbnb, du crowdfundi­ng ou du covoiturag­e, nous avons les moyens de faire de la politique sans l’intermédia­ire des politicien­s. L’alternativ­e à l’« UMPS » – comme on dit chez les Le Pen–, ça n’est pas une énième tentative de reconstruc­tion de notre confiance en leur pureté, ça n’est pas non plus le Front national : c’est nous.

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