Harcèlement sexuel (saison 4, épisode 1)
Harcèlement sexuel
Le 13 octobre, la cour d’appel de Lyon se prononcera sur la requalification des faits concernant Gérard Ducray. Deux ans après être parvenu à faire abroger la loi sur le harcèlement sexuel, l’ancien secrétaire d’État au Tourisme sous Valéry Giscard d’Estaing est renvoyé devant la justice. En juin 2010, alors adjoint au maire de Villefranche-sur-Saône, il est condamné en première instance pour harcèlement sexuel, une décision confirmée en appel en mars 2011, pour des actes commis en octobre 2009 sur la personne d’Aline Rigaud, employée de mairie au moment des faits. Le 4 mai 2012, celle-ci avait vu sa procédure annulée après que le Conseil constitutionnel eut estimé que l’infraction n’était pas définie « en termes suffisamment clairs et précis » (voir Causette #25), assortissant cette décision d’un caractère immédiat. S’ensuivit un vide juridique sans précédent pour les parties civiles, puisque toutes les poursuites pénales et les instances en cours ont été stoppées du jour au lendemain, et ce malgré l’adoption par le Parlement d’une nouvelle loi relative au harcèlement sexuel, le 6 août 2012. Pourquoi ? Parce qu’il existe un grand principe du droit qui empêche à la loi pénale d’être rétroactive et de s’appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur. Résultat : les faits commis avant août 2012 ne peuvent plus faire l’objet de poursuite pénale. Et c’est toujours le cas deux ans après l’adoption de la nouvelle loi, en dépit des promesses de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui assurait lors de sa prise de fonction que « le dossier [serait] traité en priorité ». « Une situation sans précédent, selon l’avocat d’Aline Rigaud, Me Pierre Mury, puisque habituellement le Conseil constitutionnel et l’article 62 de la Constitution prévoient certains principes exigeant la survie de l’ancienne loi, le temps que la nouvelle entre en vigueur, de façon à éviter ce type de vide juridique. » En clair, « la décision du Conseil constitutionnel tend à laisser penser que, d’un point de vue juridique, cette infraction n’a aucune importance » . Seul recours pour les victimes : la requalification des faits. C’est ce qu’a plaidé, en mai dernier, l’avocat d’Aline Rigaud, et ce qu’a requis le ministère public dans le procès de Gérard Ducray. La cour d’appel de Lyon devra donc désormais statuer sur la question de savoir si ces mêmes faits sont constitutifs du délit d’« agression sexuelle ». Et la procédure reprend de zéro. Si la cour d’appel de Lyon valide la requalification, Gérard Ducray risque à nouveau une condamnation pénale, ce qui représenterait un signal fort envoyé aux victimes. À l’inverse, si la cour le relaxe, l’affaire sera définitivement jugée en France. C’est alors la Cour européenne des droits de l’homme qui s’emparerait du dossier, et la France pourrait bien être condamnée. Affaire à suivre, donc.