Voir la louve
« Je suis lesbienne », dit la patiente pour se justifier de ne pas prendre de contraception. « Vu que vous êtes vierge, je peux vous examiner ? » répond la blouse blanche. On aurait préféré qu’il s’agisse d’une mauvaise blague, mais c’est ce qui est arrivé à Anne-Sophie, la trentaine, au service gynécologique de l’hôpital de Limoges. Et comme pour enfoncer le clou, le rapport de l’examen précise : « Pas de contraception, pas de rapports sexuels » . Ce témoignage a été publié par le site d’info LGBT Yagg.com et a pété les scores de reprise sur le Web. Devant les tweets et les commentaires indignés, on comprend que les internautes sont nombreux à croire qu’il s’agit d’un cas isolé, d’une interne à la ramasse ou d’un coup de « pas de bol ». Pourtant, une bonne partie du personnel médical estime aujourd’hui que « lesbienne » veut dire « vierge ». Judith Silberfeld, rédactrice en chef de Yagg, précise : « Des histoires de ce genre, on en entend tout le temps, et elles nous rappellent à toutes quelque chose. » Morgane, 27 ans, a ainsi été face à une gynéco parisienne qui lui a expliqué que, « n’étant pas sexuellement active » , elle était plus encline à développer des infections. Elle venait de lui dire qu’elle vivait avec sa compagne depuis deux ans. C’est marrant, ces professionnels de santé qui ne conçoivent le sexe que comme l’emboîtement d’un monsieur dans une dame ! Dans le dictionnaire de l’Académie de médecine, « rapport sexuel » veut dire « coït » qui veut dire « intromission », qui veut dire en effet « pénétration du pénis dans le vagin ». En 2014, on apprend donc aux étudiants en médecine qu’il n’y a d’autre rapport sexuel qu’une pénétration tout hétéro ? Dingue. Pourtant, les femmes qui aiment les femmes ont bien évidemment une sexualité. Ben oui, quand deux femmes font l’amour, elles ne se contentent pas de se faire des petits bisous dans le cou en se caressant les cheveux. Mélanie, 30 ans, situe la perte de sa virginité à sa première fois avec une fille, les expériences hétéros de son adolescence ne comptant pas à ses yeux. Sonia, 26 ans, la situe quant à elle au jour de son premier orgasme. En tout cas, le « loup » n’a pas le monopole. Si vous êtes à Limoges, on vous saurait gré de bien vouloir déposer un exemplaire de Causette au CHU.