Le nouveau médicament star ?
S’affamer pour guérir ? La proposition peut sembler contradictoire – voire carrément idiote, si l’on se rappelle les famines qui ravageaient l’Europe il n’y a pas si longtemps. Pourtant, le jeûne serait bénéfique en cas de, attention : maladies des bronches, de l’estomac, de l’intestin, de la peau, endocrinienne, cardio-vasculaire, digestive, articulaire, osseuse, allergie, diabète et même certains désordres psychiatriques. Et surtout, le cancer. La chose n’est pas nouvelle : la privation de nourriture pour guérir est attestée depuis l’aube des temps. Il faudra pourtant attendre l’envolée de la médecine moderne, fin xixe, pour que ce paradoxe commence à être étudié sérieusement. Las ! au xxe, siècle de l’industrie chimique toute-puissante et du marketing médical grand public, le jeûne ne sortira guère – en France et aux États-Unis, tout au moins – du groupe déconsidéré des médecines alternatives : gratuit, il ne peut devenir l’un de ces médicaments star que les lobbies pharmaceutiques adorent. Pourtant, les Allemands souscrivent depuis longtemps à la notion de « régénération du corps » qu’il promet et le considèrent comme une thérapie « normale » (parfois remboursée). En Russie, il a été intégré à la panoplie thérapeutique officielle en 1988. Mais, au pays de la gastronomie, de nombreux nutritionnistes continuent à considérer le jeûne comme une source de privation inutile et stressante pour l’organisme : le traitement reste peu ou prou une pratique d’illuminés. Jusqu’à la diffusion sur Arte, en mars 2012, du documentaire scientifique Le Jeûne, une nouvelle thérapie ?. « Le film a changé sa perception, notamment dans le monde médical, admet son coréalisateur Thierry de Lestrade. On a découvert que le corps est totalement adapté au jeûne. D’ailleurs, ça a été très bien observé par les zoologistes : il existe dans tout le règne animal. C’est issu de l’histoire de l’évolution. Notre corps y est même mieux adapté qu’au fait de vivre dans l’abondance. » Autrement dit, on mange trop et trop souvent. Si la réhabilitation mondiale du jeûne a un visage, c’est celui du chercheur californien Valter Longo qui prouve, en 2012, qu’il redouble l’efficacité des chimiothérapies sur les souris. Pour de nombreux patients, l’espoir renaît. Pour l’instant, aucun crédit officiel n’a été accordé à la recherche en France – on se demande bien pourquoi –, mais la pratique privée, lors de stages ou de randonnées, se développe rapidement, hors cadre. Attention donc aux gourous du jeûne qui ne manqueront pas d’apparaître. Pour le reste – et à condition d’être en bonne santé –, sauter quelques repas ne vous fera pas de mal. Ne serait-ce que pour rassasier votre curiosité.