Rokhaya Diallo
« On vit beaucoup dans l’illusion selon laquelle l’égalité femmes-hommes aurait été atteinte. […] C’est peut-être pour ça que le terme “féminisme” semble passé de mode, il ne semble plus nécessaire aujourd’hui d’être féministe. […] Il y a une transmission, je crois, qui n’a pas été faite entre les différentes générations. […] Je crois beaucoup en l’influence de la fiction. Qu’elle soit littéraire ou cinématographique, elle joue un rôle essentiel dans la production de mémoire. Le fait de ne pas avoir un grand biopic sur une femme qui a joué un rôle dans l’histoire du féminisme français, qui puisse marquer les jeunes générations, manque. Que ce soit pour la Shoah ou l’esclavage, on a des grandes institutions cinématographiques qui existent et qui servent de support pour relayer cette mémoire et ces actions. […] C’est fort possible que le message soit mal entendu parce qu’il est mal émis. Je suis pour endosser la responsabilité. Je pense que les militant-e-s ne sont pas audibles parce qu’ils n’ont pas forcément un discours clair ou accessible pour le grand public. […] Il y a des femmes qui vont avoir tout de l’action féministe, qui vont oeuvrer au quotidien pour l’égalité femmeshommes, mais qui vont avoir la crainte d’être associées à ce terme parce qu’il est dévalorisé. Les mots sont importants, mais l’action l’est tout autant. C’est une stratégie pour éviter l’opprobre et agir de la manière la plus efficace pour la cause. Ce n’est pas mon choix, je ne cache pas que parfois ça m’agace, mais en même temps je comprends. […] Il faut réinvestir le mot, le rajeunir, le rafraîchir : ça passe par le fait que le mouvement féministe doit être porté par une nouvelle génération de gens qui ne sont pas forcément issus de partis politiques. »
À lire: À nous la France. Éd. Michel Lafon.