Je suis colopathe…

…et je vous jure, c’est une tannée. Être colopathe, c’est avoir des boyaux longs comme des jours sans pain, entrelacés comme ils peuvent pour tenir dans le ventre. La moindre miette met des plombes à circuler. Ça fait de gros embouteillages et ça fait « grooo rhhhhh iiii ».

Être colopathe, c’est passer son temps à avoir mal au ventre… ou à faire caca, quand le repas a réussi à passer tous les checkpoints. Être colopathe, c’est apprendre à s’habiller « au cas où », c’està-dire taille élastique : car il n’est pas rare d’arriver le matin le ventre plat et de quitter le bureau le soir avec le bide d’une femme enceinte de six mois. Aérophagie… J’ai dû faire des tests de grossesse alors que personne, même pas Dieu, ne m’avait visitée depuis des lustres.

La pire des choses pour la colopathe (la majorité sont des femmes), c’est que l’on ne sait JAMAIS quand les douleurs vont se manifester, où on sera et avec qui ! Parfois, on avale des cornets de frites mayo et ça va ; parfois, un bouillon de légumes et la mer se démonte... En réunion, on prend la parole, mais on n’ose pas toucher au pain au chocolat. Au café, y a risque de fiesta dans les viscères !

Il y a la honte. Toujours. Ça y est, « la taupe arrive au guichet ». On se précipite dans le bar d’à côté : « Un café s’il vous plaît », dit-on en serrant les fesses et en se dirigeant, l’air digne, vers les toilettes. Il ne faut pas non plus tomber amoureuse : on risque l’occlusion en se retenant « d’y aller ».

On refuse d’aller manger chez des gens dont on ne connaît pas les plans de la maison : où sont les toilettes ? Donnentelles sur la salle à manger ? Ont-elles une fenêtre ? Mais on n’est jamais assez prudent. Je me souviens d’être allée dîner chez des architectes. La branchitude allait jusqu’à ce qu’il n’y ait pas de cloison au-dessus de 70 cm « pour ne pas casser le volume » ... On pissait donc assis aux yeux de tous… Ce soir-là, je n’ai quasiment pas touché au repas… Être colopathe, c’est, comment dirais-je… chiant. Très chiant.