Causette

Enceinte… touche pas à mon bide

QUELLE EST CETTE DRÔLE DE MANIE QUE NOUS AVONS TOUS DE VOULOIR TOUCHER LE VENTRE DES FEMMES ENCEINTES? D’AUTANT QUE LES PRINCIPALE­S INTÉRESSÉE­S SONT BIEN SOUVENT SOÛLÉES SANS OSER VOUS LE DIRE…

- PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH GANDILLOT

Mais lâchons-leur le bidon ! Il suffit qu’un ventre de femme enceinte pointe le bout de son nombril pour que nos mains soient attirées comme un aimant par cette belle protubéran­ce. On caresse, on tâte, on essaie de sentir bouger le bébé. Et tout ça nous semble on ne peut plus normal. Mais imaginez-vous caresser, comme si de rien n’était, le ventre plat de votre belle soeur. Chelou, non ? Pourquoi s’autorise-t-on, dans ce seul cas, cette intimité ? Nous avons demandé son avis à la psychologu­e Cécile Viénot, spécialist­e de la grossesse.

CAUSETTE: Pourquoi se permet-on de toucher le ventre des femmes enceintes?

La grossesse est perçue

CÉCILE VIÉNOT: par tous comme un événement social. Tout simplement parce que la grande majorité des femmes est passée ou va passer par là. On perpétue, tous. C’est le principe de la reproducti­on de l’espèce. Il existe, de ce fait, un fort sentiment d’identifica­tion. Chacun se sent impliqué, de près ou de loin, par cet événement. Du coup, toute grossesse, même si elle concerne quelqu’un qu’on ne connaît pas ou peu, prend une dimension

collective. Puisque c’est visible, exposé, elle perd son caractère intime.

En quoi est-ce que ce geste peut être vécu comme une agression par certaines femmes?

Il faut bien préciser que ce n’est pas

C. V. : le cas de toutes. Même très pudiques, nombreuses sont celles qui apprécient ce contact et aiment qu’on vienne reconnaîtr­e leur statut. Mais d’autres, en effet, le vivent comme une agression. La grossesse est, pour certaines, un moment fusionnel entre la mère et l’enfant, et elles peuvent se sentir dépossédée­s de ce lien privilégié à cause de toutes ces interventi­ons extérieure­s. D’autant que nombreux sont ceux qui s’autorisent à caresser leur ventre sans même demander la permission.

Sauf que les gens ne comprennen­t pas que cela puisse déplaire…

Oui, ils ne peuvent pas l’entendre,

C. V. : car ils ont l’impression de faire un geste bienveilla­nt et de montrer leur intérêt pour l’enfant à venir. Ils n’ont pas conscience d’être intrusifs. Les futures mères hésitent souvent à montrer leur désaccord de peur de passer pour des mères hystérique­s, névrosées ou trop fusionnell­es… Mais, en l’occurrence, je crois que les femmes doivent s’écouter sur ce point. Si elles sentent que cela doit rester pour elles de l’ordre de l’intime, elles doivent le verbaliser. S’il y a bien un moment dans la vie où on a le droit d’être égocentriq­ue, c’est celui-là. Elles peuvent aussi décider de dire qu’elles sont d’accord, mais seulement aux moments qu’elles choisissen­t, elles. À savoir quand elles sont pleinement disponible­s pour faire entrer une tierce personne dans cette relation à deux. Mais cela doit découler d’une invitation de leur part. Et les autres doivent le comprendre et le respecter.

“La grossesse prend une dimension collective. Puisque c’est visible,

exposé, elle perd son caractère intime”

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