Les Innocents retrouvés
L’âme des Innocents, c’était eux : JP Nataf et Jean-Christophe Urbain. Quinze ans après la fin du groupe pop, des charts et du bruit, les deux hommes se retrouvent discrètement et signent une oeuvre à quatre mains que l’on n’osait plus espérer.
2013. Deux guitares, deux voix. Sur scène, les Innocents ne sont plus que deux. Leur retour se veut discret et sans trop d’éclats. JP Nataf et Jean-Christophe Urbain préfèrent pour l’instant rester hors champ, loin du tapage. La com, elle, se fait sur Facebook, où l’on annonce quelques dates de festivals et de petites salles où ils se produiront « juste pour le plaisir d’être sur scène et de jouer ensemble pour la première fois », raconte Jean-Christophe Urbain.
Finiled iktatd u top 50
Les deux artistes rodent deux, trois titres inédits qui laissent enfin espérer un retour en studio. Inévitablement, ils entonnent aussi Un monde parfait, L’Autre Finistère, Colore…, qui leur ont survécu après 2000, année où le groupe s’est dissous, et que les radios n’ont jamais cessé de diffuser depuis l’époque bénie de Fous à lier (album sorti en 1992) et de Post-Partum (1996).
La renaissance s’annonce très en contraste avec les « trente glorieuses de l’industrie du disque et du Top 50 », pendant lesquelles il fallait constamment produire et contenter. « Il y avait une demande qui n’était pas du tout la nôtre. On devait toujours fournir de la matière première, parce que c’est comme ça : on a un contrat et les gens attendent ton disque. Tu te retrouves sous les projecteurs alors que tu n’as pas encore de bagage assez lourd. C’était gros. Je ne me sentais pas encore à l’endroit où je devais être », confie JP Nataf.
Sur la séparation du groupe, les deux hommes ne s’épanchent pas : « On n’a pas été fâchés très longtemps et on n’a jamais été loin l’un de l’autre. Il a fallu que passe ce gap de deux ou trois ans pour se “retrouvailler”, avant même l’idée de retravailler ensemble », explique Nataf. Sans enjeu, ils se fréquentent à nouveau. Et – chose que la vie de groupe ne leur avait jamais permise – ils deviennent amis. En parallèle, chacun laisse la voie libre au vagabondage artistique, à l’errance parfois, mais toujours à des réalisations personnelles et à de belles collaborations en tout genre : JP sort deux albums et travaille avec Vincent Delerm, Jeanne Cherhal (avec qui il forme Les Red Legs) ou HubertFélix Thiéfaine. Jean-Christophe écrit pour d’autres, se rapproche de Jil Caplan et signe la musique de Pop Rédemption, en 2012, film de Martin Le Gall. Sur ce projet, son comparse est aussi de la partie.
Pour la paire Nataf-Urbain, « le défi de faire quelque chose dont [ils soient] fiers » et l’idée que deux « vieux machins puissent encore sortir un bon disque étaient compliqués » . Mais, au creux de l’oreille, le doute – si tant est qu’il y en ait un – s’envole dès les premières mesures de ces Philharmonies martiennes. Cette caresse acoustique à deux voix présage que Mandarine, leur nouvel album, sera un retour en grâce et par la grâce. Sous l’écorce, un son « Inno » sur lequel ni le temps ni l’absence n’ont eu d’emprise. Des mélodies accrocheuses, un songwriting à la française porté haut par la plume d’un Nataf orfèvre. Les deux amis alignent les perles (Love qui peut, J’ai couru) et accueillent « quelques chansons inachevées sorties du placard ». Les intentions, comme les points d’ancrage, sont multiples. Libre à chacun d’y entendre des accents bluegrass plutôt que du Simon et Garfunkel (Floués du banjo) ou un esprit Beatles sur une ballade hommage à Harry Nilsson. Les Innocents sont morts, vive les Innocents !