L’assassinat “légitime”
De Gaulle, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande… aucun des présidents français n’a échappé à la règle. Tous ont, un jour ou l’autre, recouru à des tueurs professionnels, des commandos ou des mercenaires pour faire abattre ceux qu’ils considéraient comme une menace pour la République. Pas de procès lorsque ces snipers, formés à l’école du service action des renseignements, son envoyés en mission. Ils exécutent les ordres sans se poser de questions. Il aura fallu trois ans d’enquête au journaliste Vincent Nouzille pour réussir à les mettre en confiance et recueillir leurs témoignages dans le plus grand secret.
Nous l’avons interrogé sur le recours à des tueurs : est-ce prévu par le droit français ? « Non, c’est implicite, affirme Vincent Nouzille. Les services secrets français n’ont pas le droit d’exécuter quelqu’un sur le territoire français. En revanche, dans des opérations clandestines à l’étranger, il y a une zone grise. Seule obligation : avoir le feu vert présidentiel. Dans le cas de l’opération Serval au Mali, par exemple, François Hollande a donné des ordres explicites. Le plus prudent était Jacques Chirac, il ne voulait pas trop le faire ni en entendre parler. Sous Mitterrand, une opération “homo”, pour “homicide”, a été ordonnée pour assassiner les meurtriers de notre ambassadeur à Beyrouth en 1981. »
Certes, il y a donc des assassinats ciblés, pas très légaux, mais « légitimes ». Est-ce toujours le cas ? « Pas toujours… Il y a aussi eu dans le passé des assassinats préventifs pour aider un régime despotique à éliminer ses opposants, comme au Gabon, au Zaïre ou encore au CongoBrazzaville. Dans ce cas, ce ne sont pas toujours des hommes des services secrets qui sont envoyés faire la basse besogne, mais aussi des mercenaires, des barbouzes. »
La France a aidé des dictateurs, mais est-il arrivé qu’ils soient des cibles ? « Valéry Giscard d’Estaing a ordonné à plusieurs reprises l’assassinat de Kadhafi. Finalement, c’est Nicolas Sarkozy qui l’a eu ! »
Deuxs ortes de
tueurs
Dans son livre, Vincent Nouzille fait le distinguo entre deux types de tueurs : ceux qui appartiennent aux forces spéciales, qui interviennent le plus souvent dans les conflits « officiels », et les hommes du service action de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), opérant lors de missions clandestines. Parmi ceux-ci, la cellule Alpha, créée au milieu des années 1980, regroupe une dizaine de tueurs : « Ils mènent une double vie totale, clandestins de chez clandestins avec une identité fictive. Boulot, famille : leurs proches ne les connaissent que via cette identité fictive. Ils peuvent être appelés à tout moment pour des missions, sans jamais savoir s’il s’agit d’une vraie mission ou d’un entraînement. »
Et lorsque l’on demande au journaliste quelle fut sa rencontre la plus troublante lors de son enquête, il nous raconte celle d’un ancien tueur qui avait, à son palmarès, plus de cinquante assassinats perpétrés pendant la guerre d’Algérie : « Lui parlait “d’inconscience”, d’une croyance dans le fait qu’il servait son pays, sans se poser de questions. Le plus grand regret de ce tueur n’était pas d’avoir tué des gens, mais de ne pas avoir passé assez de temps avec ses enfants… » L’historien Pierre-Jean Luizard décortique, dans son dernier livre, les conditions historiques et sociales qui, au Moyen-Orient, ont permis l’ascension du groupuscule djihadiste Daech. On y apprend que l’organisation développe sa propre administration d’État et emploie de jeunes Occidentales pour assurer une police des moeurs féminine sur une partie du territoire qu’il occupe. Cette brigade, basée en Syrie, circule dans les rues pour s’assurer que les femmes y respectent la loi islamique façon Daech : port du niqab et présence systématique d’un accompagnateur masculin. Pourtant, ce ne sont pas ces informations qui font le sel de l’ouvrage. Car, en considérant un siècle d’Histoire, des mandats français et britannique au Proche-Orient à l’occupation américaine en Irak, l’historien nous invite surtout à prendre de la hauteur. Apparaît alors une mise en perspective claire d’un phénomène qui, au 20 Heures, est réduit aux exécutions dont Daech a fait son principal outil de communication. Souvenez-vous : en 2011, Jacques « Super Menteur » Chirac est condamné pour le détournement de fonds publics. À l’origine de l’accusation, l’association Anticor, qui lutte contre la corruption des élus et fonctionnaires de l’État. Tous pourris, les politiques ? Assurément non, mais avec son livre Lutter contre la corruption, Séverine Tessier, cofondatrice d’Anticor, propose au lecteur un manuel pratique pour mettre son grain de sable dans les rouages des affaires publiques. Et il semblerait qu’il y ait du boulot.