Et la palme d’or est décernée à…
Après s’être attaquée aux trafics de la mafia Corse en 2012 la journaliste d’investigation Hélène Constanty a cette fois décidé d’aller mener l’enquête sur la Riviera, d’aller fourrer son nez dans les magouilles peu reluisantes des oligarques russes, des mafieux italiens, mais pas uniquement. Elle s’est aussi intéressée aux affaires un peu troubles de certains élus : « J’ai posé mes valises à Nice, au départ pour un an. Mais comme j’allais de découverte en découverte, j’ai fini par rester deux ans sur place. Au final, je crois que l’on peut dire qu’en matière de corruption la Riviera n’a rien à “envier” à l’île de Beauté. »
Pendant deux ans, Hélène Constanty va découvrir l’existence de réseaux affairistes impliquant des conseillers politiques hauts placés. Par exemple à Cannes. Depuis fin 2013, plusieurs fonctionnaires, élus et conseillers de l’ancien maire, Bernard Brochand et actuel député des AlpesMaritimes, ont été mis en examen pour corruption, détournement de fonds publics et trafic d’influence. « J’ai cherché à en savoir plus sur une association appelée “Les Amis de Cannes”. Selon ses statuts, elle a pour objet le développement de l’image de Cannes en France et à l’étranger. Dans les faits, elle aurait participé au financement de la vie politique locale, comme un meeting en 2012, un sondage de notoriété. Comment ? En récoltant des fonds auprès des acteurs de la vie économique cannoise parmi lesquels on trouve des hôteliers, des restaurateurs, un tenancier de boîte de nuit. Et, comme par magie, certains d’entre eux ont obtenu auprès de la municipalité des privilèges et des passe-droits tels que des concessions sur le domaine public. »
Et lorsqu’on demande à cette journaliste ce qui la choque le plus : « C’est l’absence de contrepouvoir sur place. À Cannes, il n’y a pas un élu de gauche, à Nice, pareil. Et dans le principal journal de la région, Nice Matin, si la petite délinquance fait la Une tous les jours, la grosse délinquance, on en parle très très peu. » On oublie souvent à quel point le pétrole est un miracle de la nature. Sans cette fabuleuse source d’énergie pratique, quasi gratuite (au début) et hyper concentrée, la deuxième révolution industrielle – celle du moteur à explosion, de la voiture individuelle et du gaspillage généralisé – n’aurait jamais eu lieu. Dans Or noir, le journaliste Matthieu Auzanneau raconte avec éloquence la fabuleuse histoire de cette énergie solaire liquide issue de la décomposition de végétaux préhistoriques, source de toutes les turpitudes. Plus que n’importe quelle idéologie, c’est bien lui, ce fluide visqueux et malodorant, tarissable source d’une puissance démesurée, qui a façonné l’histoire contemporaine avec ses guerres, ses crises économiques, son agriculture et ses industries. Maintenant que la drogue vient à manquer, nos sociétés pétro-toxicomanes refusent encore d’admettre que la fête énergétique touche à sa fin et que, sans désintoxication volontaire, la crise de manque sera terrible. Sans compter que la « merde du diable » nous a laissé sa facture : le réchauffement climatique. Or noir est un livre-somme palpitant, indispensable pour tout savoir de notre malédiction. Et comment la rompre.