Causette

Émotion et déraison

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François Hollande s’est exprimé sur les dossiers d’actualité lors d’une interview télévisée, le 11 février. Pendant plus d’une demi-heure, le vocabulair­e et les décisions annoncées ont fait appel non pas au bon sens des Français mais à leurs sentiments, failles, et fragilités post-attentats. « Je l’ai vécu, j’étais là, ce soir-là, près du Bataclan, j’étais au Stade de France, aussi », répond le président, interrogé sur l’inscriptio­n de la déchéance de nationalit­é dans la Constituti­on, ajoutant, non sans un certain dédain pour les parlementa­ires : « ça va aller maintenant au Sénat. Des débats vont avoir lieu ; c’est légitime, des correction­s, mais je ne souhaite pas que la navette dure trop longtemps […], les Français veulent que cela se termine et moi aussi. » Qu’un chef d’État en chute libre dans les sondages verse dans la démagogie, cela n’a rien d’étonnant. Le plus ennuyeux, c’est qu’il laisse penser que les députés et les sénateurs ne représente­nt pas les Français, eux qui sont pourtant élus pour légiférer en leur nom. Le président a aussi fait preuve d’un léger mépris pour les institutio­ns à propos du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, demandant « au gouverneme­nt, avec les élus locaux […] d’organiser un référendum local pour que l’on sache exactement ce que veut la population ». Outre le fait que, pour organiser ce référendum local, il faut changer la loi, il place ainsi l’opinion au-dessus de cent cinquante décisions de justice et oublie que les électeurs ont, aux dernières élections régionales, voté pour des listes * défendant ce projet. Ainsi marche la démocratie. Alors, dès qu’une question d’actualité chahute la majorité, qu’on se bouscule à l’Assemblée et que les médias s’en emparent, le président va-t‑il passer au-dessus des législateu­rs, des élus, ne pas trancher et remettre la patate chaude dans les mains du peuple ? Pourquoi, alors, ne pas avoir organisé de référendum sur la guerre au Mali, en Syrie, la déchéance de nationalit­é ou les lois Macron ? Et l’ouverture d’un sex-shop à Lisieux, pendant qu’on y est ? Lors de cet entretien, François Hollande a intimé sa volonté : « Il faut que ça bouge et ça va bouger ! » Faire bouger les lignes, oui, bousculer les fondements, est-ce bien raisonnabl­e ?

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