Faut pas faire chier Causette quand elle tripote sa calculette.
Prenez une mère d’élève. Moi, par exemple. Dites-lui que l’instit de son petit lardon, dépressive (trente-deux élèves, c’est pas une vie), ne sera pas remplacée faute de personnel – mais « faut bien couper dans les budgets », tout ça tout ça. Jetant un oeil sur le montant au bas de sa feuille d’imposition et se croyant donc en droit d’attendre, pour l’Enfant, une bonne Éducation nationale, elle pète légitimement son plomb, tape dans un mur – faut bien que ça sorte – et s’y pète à coup sûr une phalange. Aux urgences, elle se délite six heures durant en salle d’attente parce qu’il n’y a pas assez de médecins ( « réduction inéluctable des déficits de l’État », toussa toussa). Après s’être fait plâtrer la mauvaise main par un interne au bout du rouleau après douze mille heures de garde qui ne lui seront jamais payées ( « pression de Bruxelles sur les 3 % de déficit », touça touça…), elle rentre à la maison où, fatale erreur, elle allume la télé. Là, elle entend des types en costume gris lui dire que les chômeurs, c’est des branleurs, les fonctionnaires, des paresseux et les assistés, des enfoirés – « Faut aller chercher l’argent là où il est. » Tout ça ? Tout ça ?! Après avoir fort logiquement explosé l’écran plat – qui n’en demandait pas tant – d’un coup de plâtre triomphant, elle ouvre son journal, et là, patatras ! Il paraîtrait qu’au Panama… à Hong Kong… au Luxembourg… au Delaware… ou encore à Singapour… seraient bien planqués les 60 à 80 milliards d’euros d’impôts volés (chaque année !) aux contribuables français par des enfoiré.e.s – pas ceux qui chantent, non, les vrais de vrai – qui n’en ont jamais assez. Dans sa tête, elle réalise que le « trou » de la Sécu est « seulement » de 6,8 milliards d’euros. Celui-là même dont on se sert systématiquement pour lui expliquer que « l’État n’a plus d’argent » et qu’elle devrait donc trouver bien normal d’avoir un enfant sans professeure, la mauvaise main dans le plâtre, une justice sans moyens et des miséreux plein les trottoirs, et alors là… Houla houla ! Elle éteint la télé, se lève de son canapé et, droite comme un I, se met debout pour aller passer la Nuit bien debout, et le restera, soyons foufous, même pour pisser s’il le faut. Maintenant, vous savez pourquoi faut pas faire chier Causette quand elle tripote sa calculette. #PipiPartoutJusticeNullePart
Causette
P.-S. : Le 23 avril 2017, premier tour de l’élection présidentielle, sera, selon ma calculette et le calendrier Debout, le 389 mars. 89, ça sonne bien, non ?