Quand la justice aussi prend l’eau
En pleine nuit, le 28 février 2010, à La Faute- sur- Mer ( 85), l’eau du fleuve côtier Lay s’engouffre dans les maisons construites sous le niveau de la mer, prenant au piège les habitants pendant leur sommeil. Vingt-neuf personnes, dont trois enfants, meurent noyées après des heures d’agonie dans l’eau glacée. Leurs maisons étaient construites en zone inondable, pourtant aucun d’eux n’en avait été informé. Le maire, René Marratier, et son adjointe à l’urbanisme, Françoise Babin, eux, savaient. Plusieurs fois, la sous-préfecture les avait alertés d’un « risque avéré d’inondation maritime avec enjeu humain » en cas de tempête. Rien n’y a fait : ni le maire ni l’adjointe, qui possède l’une des plus importantes agences immobilières du village, n’ont mis en place le Plan de prévention des risques d’inondation (PPRI). Le 4 avril, l’ancien maire a été condamné à deux ans de prison avec sursis et l’exadjointe, relaxée. « Les élus, les promo‑ teurs peuvent donc continuer à construire en zone dangereuse, ils ne risquent rien ! » fulmine Gisèle, qui a perdu son père ce soir-là. C’est qu’en France, à la différence d’autres pays, « il n’existe pas de sanction politique pour le conflit d’intérêts, bien qu’il soit éthiquement condamnable, regrette Philippe Blachèr *. Dans De l’esprit des lois, Montesquieu démontre que ce qui permet de distinguer les régimes despo‑ tiques des autres, c’est la vertu des élus. » Il faut croire qu’en France la loi aura cette fois manqué d’esprit.