VICTORINE Sale môme
Victorine, drôle d’ovni surgi dans le paysage musical, dépoussière France Gall et réintroduit le yéyé version électronique. Le 16 juin, la Bordelaise déjantée sortait l’EP Papa Maman, un petit cadeau pour ses parents divorcés. Percer le mystère de cette « Chantal Goya sous GHB », selon l’expression de nos confrères des Inrocks, n’est pas une mince affaire tant elle brouille les pistes. Avec un malin plaisir, elle injecte des blagues douteuses et des jeux de mots plus ou moins subtils entre deux confessions. « J’peux pas m’empêcher d’être lourde », s’excuse-t-elle quand la raison prend l’avantage. Car la loufoque Victorine cache une touchante Caroline. Rencontre avec cette chanteuse à deux têtes.
Une enfant qui en sait trop
Ses textes guimauve ont beau paraître enfantins, Victorine ne lésine pas sur les jeux de mots (d’adultes) pour évoquer des sujets sérieux comme la rupture, l’éloignement ou la pédophilie. Le tout enrobé de sucre. « Je vous tends un paquet de bonbons, mais il faut toujours s’en méfier... surtout à la sortie de l’école », résume-t-elle, à sa façon. Avec elle, on est toujours à la frontière du malaise. Sur scène, elle adore « faire des bêtises » et déconner avec le public (à l’aide d’accessoires et de contacts parfois gênants). Entourée d’artistes aux collaborations pointues et d’un performeur (chauffeur de salle et homme à tout faire), Victorine nous transporte en enfance sur fond de synthés. Le tout dans des déguisements taille 14 ans.
Maman cravache
Enfant, Caroline assiste impuissante, mais fascinée, au travail acharné de sa mère pharmacienne. « Elle ne prenait jamais de vacances, du coup, tous les soirs, c’était petite dépression », racontet-elle. Maman médicament décrit ce « théâtre pharmaceutique ». « Elle enfilait sa blouse et parlait dans un langage très chimique. » Caroline, comédienne dans l’âme, aimait se faire passer pour une cliente, boîte de préservatifs à la main.
Papa gâteau
Tandis que la maman faisait « le sale boulot », le père de Caroline, lui, avait le monopole des vacances. « C’était fun et cinéma du soir au matin », se rappelle-t-elle. Grand fan de flipper (dont on retrouve les sonorités vintage dans Daddy), il lui a transmis « la légèreté, l’envie de chanter dans les rues et de transformer un drame en sketch ». Au verso de l’album, une photo de lui marchant sur l’eau tel le messie. Rien que ça ! Ce complexe oedipien, Victorine s’en amuse et en grossit le trait, car, pour le moment, « personne ne l’a remplacé ». Implacable.
Papa maman, de Victorine. La Tebwa Records, 6 euros l’EP en CD.