Causette

Retour sur le procès pour violences sexuelles de Sidney Amiel

Sidney Amiel, avocat, figure du barreau d’Eure-et-Loir, a écopé de dix ans d’emprisonne­ment pour viol et agressions sexuelles. Son procès n’a pas seulement été celui d’un prédateur, mais aussi celui d’une emprise : de par sa position, l’homme réduisait s

- Par Marie Parmentier - illustrati­on michel fily

Clientes, collaborat­rices, secrétaire­s et ex-belle-fille de l’avocat… pendant trois semaines, la cour d’assises des Yvelines s’est remplie des mots de dizaines de femmes abusées par Sidney Amiel. Des agressions qui se déroulaien­t souvent dans le secret de son cabinet. Certaines racontent les attoucheme­nts, d’autres, la position des mains sur les épaules pendant la fellation forcée, le « Kleenex » donné après l’acte « pour s’essuyer » . Lors de l’audience, à quelques mètres derrière elles, l’ancien avocat de 67 ans secoue la tête, nie tout.

Trente ans de violences sexuelles

Longtemps, dans la ville de Chartres (Eure-et-Loir) où l’avocat sévissait, ceux qui pouvaient parler se sont tus. « Il y avait des rumeurs sur ses mains baladeuses, reconnaît son associé. Mais c’était compliqué de lui en parler, c’était un ami. » Prévenu dès 1995, le Conseil de l’ordre du barreau de Chartres n’a, quant à lui, pas jugé bon de convoquer son éminent confrère. Interrogés à la barre, des bâtonniers, qui ont pourtant recueilli les confidence­s de plusieurs victimes, ont justifié leur inertie en criant au « respect du secret profession­nel » et à « la présomptio­n d’innocence » . Il faudra attendre 2011 et la mise en examen de Sidney Amiel pour viol pour qu’il soit enfin suspendu.

C’est l’une de ses clientes qui, en juillet 2010, a brisé l’omerta. Alors qu’elle venait consulter Sidney Amiel pour un cas de harcèlemen­t sexuel, celui-ci lui lèche le cou et le visage en lui disant « donnemoi ta bouche, donne-moi ta langue » . Elle porte plainte. Une enquête est ouverte, les témoignage­s se multiplien­t : trente ans de violences sexuelles remontent à la surface. Trop tard pour la majorité d’entre elles. Seules une plainte pour viol et quatre pour agressions sexuelles sont retenues, vingt-huit dossiers sont prescrits.

Dominique* s’est tue pendant sept ans : « Le silence est tellement confortabl­e. Quand on parle, il faut se gérer soi et gérer les autres. » À l’audience, cette avocate de 45 ans va raconter ce matin de 2003 où son patron l’a plaquée contre un mur. « Il a mis la main dans mon pantalon, puis dans ma culotte. Il m’a introduit un doigt dans le vagin. » À la barre, elle évoque la peur de briser sa carrière en dénonçant ce notable qui a pignon sur rue : « À l’époque, il fallait finir ce putain de stage de deux ans pour poser sa plaque. Vous venez d’acheter une maison, vous avez deux enfants, donc vous tenez. »

Porter plainte ? Une autre avocate confie : « Je ne me voyais pas aller au commissari­at raconter ce genre de détails alors que j’y travaille régulièrem­ent pour des gardes à vue… » Pour Pierre-Ann Laugery, avocat de Dominique, il s’agit d’un « dominateur », un « homme dans la toute-puissance, capable de tout pour asservir, avilir ».

En clôture du procès, l’avocat général demande aux jurés une peine « sévère » contre cet avocat qui « ne pouvait pas ignorer le caractère répréhensi­ble de ce qu’il faisait ». Le 23 juin, après huit heures de délibéré, la cour d’assises des Yvelines a déclaré Sidney Amiel coupable de tous les chefs d’accusation qui pesaient contre lui et l’a condamné à dix ans d’emprisonne­ment et plus de 100 000 euros de dommages et intérêts. Il a immédiatem­ent fait appel de ce verdict.

* Le prénom a été modifié.

 ??  ?? Pendant trois semaines, Sidney Amiel (ici à la barre) a nié les accusation­s portées contre lui, évoquant de multiples « complots », dont un « cabinet noir à la Chanceller­ie ».
Pendant trois semaines, Sidney Amiel (ici à la barre) a nié les accusation­s portées contre lui, évoquant de multiples « complots », dont un « cabinet noir à la Chanceller­ie ».

Newspapers in French

Newspapers from France