Causette

Peau d’âme

Sylvie Fasol a 53 ans, une histoire troublée, un corps abîmé. En quête d’acceptatio­n de soi, elle a découvert le naturisme. Une révélation. Sylvie est devenue militante, revendiqua­nt la liberté de se balader nue dans l’espace public.

- Propos recueillis par Elvire Emptaz

Comment êtes-vous devenue naturiste ?

En 2005, j’ai perdu mon mari après vingt-trois ans de vie commune, puis mon beau père, peu de temps après. Le monde s’est écroulé sous mes pieds. Bien que très entourée, j’étais déprimée, amaigrie, fragilisée. Un ami naturiste m’a proposé de l’accompagne­r lors d’une balade en groupe. Je lui ai dit que je n’avais montré mon corps qu’à mes proches et au corps médical.

Pourquoi cela ?

Dans l’enfance, j’ai eu une maladie auto-immune de la famille de la polyarthri­te, invalidant­e et déformante, pour laquelle j’ai subi de nombreuses interventi­ons. Elle a beaucoup marqué ce corps, pas facile à montrer dans une société où la différence est mal vue. Malgré les regards, j’arrivais à me mettre en maillot de bain, mais pas nue. Le tissu, si petit soit-il, forme une protection.

Comment avez-vous finalement sauté le pas ?

Dans la déprime, il y a un stade où il faut trouver le ressort pour rebondir. Mon ami m’a rassurée, j’ai compris que c’était des réunions conviviale­s, familiales. Je me suis dit : « Je suis curieuse, je n’ai rien à perdre. » Un jour d’avril, je l’ai accompagné et j’ai enlevé mes vêtements avec les autres. La sensation de mon corps face aux éléments extérieurs m’a plu. Ma carapace a commencé à s’ouvrir. Cela a été une révélation.

Le naturisme a-t-il été une forme de thérapie ?

Je l’ai vécu ainsi. Quand je suis rentrée chez moi après cette première expérience, en tournant la clé dans la serrure, j’ai senti tout le poids qu’il y avait dans ma maison. Je me suis dit : « Vivement la prochaine balade. » Pendant cette parenthèse, j’avais un peu vidé mon sac sans m’en rendre compte. Cela m’a aidée, à la fois dans le deuil et dans l’acceptatio­n de mon corps tel qu’il est. Aujourd’hui, j’accompagne les gens qui me le demandent dans cette démarche, et mes proches acceptent très bien mon choix.

En quoi cela a-t-il changé votre quotidien ?

J’ai troqué les pantalons pour les jupes ! Mais, surtout, je milite en tant que présidente de l’Associatio­n pour la promotion du naturisme en liberté, afin de clarifier l’article 222 32 du Code pénal *. Il classe la nudité en public comme un délit, sans pour autant définir ce qu’est l’exhibition sexuelle. Un randonneur naturiste est mis sur le même plan qu’un homme malade qui ouvre son imper devant les gens.

Le regard sur le naturisme évolue-t-il ?

Il y a d’immenses progrès : nous avons gagné des procès, l’an dernier, nous avons pu avoir un stand à la Fête de l’Humanité, et un espace naturiste va être créé à Paris. Je ne vois pas pourquoi le fait d’être nu poserait un problème dans nos sociétés exposées à des violences bien plus graves. La nudité est aujourd’hui le baromètre de la démocratie. * L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonne­ment et de 15 000 euros d’amende.

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