Causette

Océanerose­marie : marrage pour tous

On a adoré sa Lesbienne invisible, un seule en scène qui avait secoué la communauté, puis un public plus large, en 2009. On a aussi applaudi son Chatons violents. C’est au cinéma qu’Océanerose­marie nous convie cette fois, avec Embrasse-moi !, la première

- Propos recueillis par Isabelle Motrot

Causette : Pourquoi passer de la scène à l’écran ?

J’avais envie depuis longtemps d’écrire une

Océanerose­marie : comédie romantique avec des lesbiennes, parce que, moi, quand j’étais ado, ça m’aurait fait beaucoup de bien. Voir un film gay qui ne traite pas du coming out, où les héroïnes sont positives. C’était déjà le coeur de mon spectacle.

Causette (de mauvaise foi) : Mais des lesbiennes, au cinéma, on en voit !

Oui, mais dans des rôles négatifs. Soit elles meurent à la fin,

O. : soit elles sont psychopath­es et découpent leur meilleure amie pour la mettre au congélo… On a le choix entre la dépressive et la serial killer ! Ou alors, il y avait Gazon maudit ! Et, là, quand tu es ado, tu te dis : Est-ce que, vraiment, je veux devenir Josiane Balasko avec son cigare ? J’ai peur ! Est-ce que je vais devoir coucher avec cette personne ? J’ai peur aussi ! » Tous ces clichés, c’est de l’homophobie bienveilla­nte.

Causette (persiste dans la mauvaise foi) : Aux États-Unis, au Royaume-Uni, les comédies avec des gays se multiplien­t !

C’est vrai. Avec toujours le même pitch : l’histoire d’une

O. : hétéro qui flashe sur une lesbienne et qui comprend pas ce qui lui arrive. Si possible le jour de son mariage. Et, à la fin, si c’est un mec qui a écrit le film, elle redevient hétéro, si c’est une scénariste gay, l’héroïne part avec la meuf ! Quand tu as fait ton coming out il y a quinze ans et que ce n’est plus une question dans ta vie, t’en as vraiment rien à foutre de cette histoire ! Il faut passer à l’étape suivante : que l’homosexual­ité ne soit plus un sujet. Qu’on oublie les orientatio­ns sexuelles des protagonis­tes. Pour le moment, c’est difficile, il y a encore de l’homophobie, mais peut-être dans vingt ou trente ans.

Causette : Le film est écrit et réalisé avec Cyprien Vial. C’était prévu ?

Au départ, j’avais besoin d’un scénariste, ça n’est pas mon

O. : métier et ça ne s’improvise pas. Je voulais écrire avec quelqu’un qui soit gay, c’était important. Quelqu’un qui ait le même humour que moi. Avec Cyprien, ça marche, on se fait rire dans la vraie vie. Puis ça nous a semblé naturel d’aller au bout de ce projet, et il était déjà réalisateu­r *, ce qui a rassuré les producteur­s.

Causette : Trouver des finances pour « la première comédie lesbienne », c’est facile ?

C’est sûr qu’en France, on a beaucoup de mal avec les com

O. : munautés. Au Royaume-Uni, aux États-Unis, on a compris depuis longtemps qu’une communauté sur laquelle s’appuyer, c’est une force, que ce soit des Noirs, des ados, des gays... Ici, on trouve ça « segmentant ». Pourtant, il y a des films non segmentant qui n’ont pas marché et, à l’inverse, d’autres, communauta­ires à la base, qui ont cartonné ! Quelques portes se sont fermées devant nous, mais on ne saura jamais si c’était pour cette raison ou non.

Causette (un peu dépitée) : Avec ce film, où l’homosexual­ité n’est plus un sujet, tous les journalist­es relous (comme nous) ne vont te parler que de ça…

Oui, mais je m’attends aussi à ce que

O. : des tas de lesbiennes me disent que c’est pas assez militant ! Alors que, comme je l’expliquais, on est à l’étape d’après, quand on n’en a plus besoin.

Causette (admirative) : C’est militant, mais sous-terrain !

Mais oui ! [Elle rit.] En fait, c’est un

O. : film métamilita­nt !

U

* Bébé Tigre, en 2014.

Embrasse-moi !, d’Océanerose­marie

et Cyprien Vial. En salles.

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