Causette

La révolution a bien eu lieu

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Comment regarderon­s-nous, avec les années et le sage recul qu’elles nous apporteron­t, la vague de libération de la parole des femmes qui a submergé le monde ces dernières semaines ? Je n’en sais rien de plus que vous, en vrai, mais, pour une fois, je vais faire mon éditoralis­te-qui-sait-mieux-que-les-autres : nous verrons la révélation, par quelques courageuse­s, des affaires Weinstein, comme nous avons vu l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand par un activiste anarchiste, déclenchan­t la Première Guerre mondiale, le refus de Rosa Parks de laisser sa place à un Blanc, un 1er décembre 1955, déclenchan­t la rébellion des Noir·es américain·es pour leurs droits, ou l’affaire des internats non mixtes déclenchan­t l’insurrecti­on de Mai 68. Ou comment d’héroïques actes isolés peuvent changer la face du monde. La société mondiale a vibré. Quelque chose s’est passé. On parlait déjà, en mai 1968, d’une « parole libérée » qui, dans presque toutes les couches de la société, exprima d’un coup d’un seul le rejet d’un « vieux monde ». Alors demain, ou plutôt après-demain, la norme qui avait cours jusqu’à ces mois de la fin 2017, celle des remarques sexistes non relevées, des mains au cul même pas broyées, du viol tu et re-tu, des yeux baissés blessant la dignité et du silence bien confiné sous une chape de plomb même pas brisée, nous semblera bientôt aussi inacceptab­le que le fut, un jour, la mainmise du curé sur la vie du village.

Depuis 2009, je n’ai eu de cesse de dénoncer les violences – sexuelles et autres – infligées aux femmes à l’université, dans les guerres, dans les hôpitaux, dans la rue, dans les institutio­ns publiques... Jusque dans l’armée française (souvenez-vous de notre enquête La Guerre invisible, grande fierté éditoriale !). Dénonciati­on n’est pas délation. Aussi, je ne peux pas m’empêcher, comme mille autres militant·es de longue date pour les droits des femmes, de penser : enfin, enfin, enfin !

Et si c’est bien parti et très encouragea­nt, tout ça, ne croyons pas les acquis trop vite acquis. Le combat continue et ne fait même que commencer. Soyez fortes encore, et encore plus même, parce que vous l’êtes plus que ce que l’on croit !

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