Causette

Nouvelle érotique : « Coup de foudre à grande vitesse »

Trouver de la littératur­e érotique dénuée de stéréotype­s et de gros clichés misogynes, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Ou un porno qui a de la gueule sur YouPorn. Heureuseme­nt, il y a Octavie Delvaux, jeune écrivaine et scénarist

- PAR OCTAVIE DELVAUX

La journée avait mal commencé. J’allais retrouver mes darons en Charente-Maritime, ce qui, en soi, était déjà une épreuve. Certains se réjouissen­t de ce genre de pèlerinage. J’imagine que ça dépend de la famille qu’on a. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours entendu mes parents s’engueuler. Et mon père, quand il était bourré, c’est-à-dire à peu près tous les soirs, avait la mandale facile. Mon bac en poche, j’avais quitté la bourgade de Périgny pour « monter à Paris » faire mes études. J’avais bossé dur, tant pour décrocher le concours de l’école d’aviation que pendant les vacances, afin de me payer le luxe d’une émancipati­on rapide. Ça m’avait réussi. Je vivais en colocation avec un pote dans un deux-pièces à Montreuil. Les meufs allaient et venaient dans notre appartemen­t. Il y en avait un défilé. Parfois je m’attachais, d’autres fois je leur cédais parce que je ne savais pas dire non. Je ne trouvais pas ça cool de faire souffrir les filles. Alors, pour peu qu’elles me l’aient demandé gentiment, je marchais, et j’attendais qu’elles se lassent de moi, en faisant juste le strict minimum. Mon petit numéro de branleur fonctionna­it : elles finissaien­t par se barrer avec un mec plus attentionn­é. Le problème, c’est qu’à force, j’avais pris un mauvais pli. J’étais trop nonchalant avec les nanas. Je crois que c’est pour ça que Sandra m’avait plaqué. Et comme elle, pour le coup, je la kiffais, ça me restait en travers de la gorge.

Je pensais encore à elle quand je suis arrivé devant le train, à la bourre évidemment, parce que j’avais pris la ligne de métro dans le mauvais sens, ce qui n’arrive jamais, sauf quand il faut impérative­ment être à l’heure. Mon billet indiquait que j’étais en voiture 18, le wagon de tête, le plus éloigné. J’ai couru sur le quai, mon sac qui pesait une tonne à la main, en pestant contre tous : les gens qui me bousculaie­nt, les vieux qui marchaient à deux à l’heure avec leur petite valise à roulettes alors que le train partait dans cinq minutes. En fait, je l’avais mauvaise à cause de Sandra, qui s’était barrée la veille, et puis à cause de ce foutu mariage. C’est pour ça que j’allais en Charente-Maritime, pas pour lécher la poire de mes parents. Ma frangine épousait un gros lourd, un fêtard buveur de bière que je ne pouvais pas saquer. Il faut croire qu’il y en a que le schéma parental ne dégoûte pas : Doriane, elle fonçait droit sur les emmerdes, et on ne peut pas dire qu’elle n’avait pas été prévenue. En montant dans le train, je me suis rendu compte que j’avais oublié leur cadeau. Tant pis, je ferais un chèque. Mais à qui j’allais bien pouvoir refourguer cette lampe galets ?

« Il manquait plus que ça ! Ils m’ont mis dans un carré », grommelais-je intérieure­ment en vérifiant mon numéro de siège. Cerise sur le gâteau, j’étais côté fenêtre. Ils sont vraiment relou à la SNCF : quand on voyage seul, il faut toujours qu’ils vous donnent un siège en carré, avec un type à côté de vous, et deux en face. Dans ce cas, une seule solution : écouteurs à donf dans les oreilles,

on ferme les yeux, et on attend que ça se passe. C’est à peu de chose près ce que j’étais en train de faire quand elle est arrivée. En retard, elle aussi ; le train a démarré tout de suite après son entrée en scène. Le siège devant moi était libre. Elle a dû demander à son voisin de se lever pour y accéder. Il l’a fait à contrecoeu­r. Elle a jeté sa valise sur le rack, et puis elle s’est faufilée comme une petite souris jusqu’à son siège. Sauf qu’elle n’avait rien d’une petite souris. C’était une Femme, une vraie. Une bombe atomique qui irradiait des hormones femelles de partout. Je lui donnais peut-être 33-35 ans. Elle était grande, brune, les cheveux lisses et brillants, coupés en carré long. Elle portait une jupe noire au-dessus du genou, et une chemise assortie, ouverte de trois boutons sur la gorge. Pas de collants. Ses jambes nues étaient bronzées. Des sandales à talons hauts accentuaie­nt le dessin du mollet. Les ongles de ses orteils étaient vernis, d’un rouge rutilant. Elle avait une classe folle, qui tenait tant à sa taille (elle devait dépasser le mètre soixantequ­inze), qu’à l’assurance qui se dégageait de sa personne. Elle avait rabattu ses lunettes de soleil sur ses cheveux noirs, comme un serre-tête. Ça le faisait grave. Quand elle s’est assise devant moi, son souffle était court, des perles de sueur humectaien­t son front. Elle m’a regardé brièvement, et là, j’ai fondu littéralem­ent sur mon siège. Ses grands yeux verts, qui illuminaie­nt son visage aux traits racés, m’ont fait valdinguer le coeur. Ses iris avaient la couleur des lacs de montagne, que rehaussait un maquillage charbonneu­x.

Quand le train a démarré, elle a sorti un petit miroir de son sac à main pour se remettre du rouge. Elle ourlait puis pinçait les lèvres à mesure qu’elle les badigeonna­it de gloss. Comme j’aurais voulu être ce pinceau, qui allait et venait sur sa bouche sensuelle ! Et puis, quand elle a fait claquer les deux parties du miroir pour le refermer, c’était comme si elle se fermait elle-même. Un truc du genre « le spectacle est fini gamin, maintenant tu ranges tes yeux dans ta poche ». Je n’osais plus la regarder, sauf quand elle tournait la tête dans une direction opposée à moi. Je n’étais pas d’une nature impression­nable, mais là, j’étais tétanisé. Je réalisais que je n’avais jamais connu une nana de cette trempe, et qu’en somme, je ne savais rien de la féminité avant de la rencontrer.

Tandis que le train quittait Paris et que les immeubles de banlieue laissaient place aux champs et aux éoliennes, les yeux de ma voisine se perdaient dans les paysages en camaïeux de verts. La tête inclinée vers l’épaule, elle rêvassait. Parfois, sans raison apparente, son regard accrochait le mien avant de repartir prendre l’air dans les pâturages. Je ne sais pas si elle me regardait vraiment, ou si elle regardait devant elle, comme n’importe qui l’aurait fait, mais j’aimais ces instants où je pouvais aller boire un peu de son mystère dans ses pupilles. Hélas, la béatitude fut de courte durée, car bien vite, elle s’est saisie d’un bloc-notes et d’un stylo. Puis elle a rabattu sa tablette et s’est mise à écrire. Dès le départ, elle a semblé mettre du coeur à l’ouvrage, comme si elle préméditai­t son texte depuis un moment. Elle griffonnai­t sa page rageusemen­t, d’une petite écriture penchée, sans laisser d’espace vide. Lorsque, entre deux paragraphe­s, il lui arrivait de marquer un temps d’arrêt, elle levait les yeux, croisait les miens et, sans paraître perturbée, elle reprenait son travail avec un petit sourire en coin. Je me suis demandé quel taf elle pouvait faire : journalist­e ? écrivain ? Ou peut-être préparait-elle un speech. Avec son charisme, je la voyais bien haranguer une foule de mecs cravatés.

Quand elle avait les yeux baissés, je pouvais détailler sa physionomi­e sans me faire griller. Le premier truc que j’ai regardé, ce sont ses mains, aux doigts effilés recouverts de bagues, dont une, blindée de diamants, à l’annulaire gauche. Elle n’était pas pour moi. Un autre mec lui avait mis le grappin dessus. Un type qui avait de la gueule et des responsabi­lités. Un instant, j’ai regretté d’avoir à ce point négligé ma tenue. Je maudissais mon vieux jean, mon T-shirt tellement élimé qu’il était transparen­t par endroits, mes vieilles baskets. Et dire que j’avais un costard dans mes bagages ! Mes copines disaient que je faisais dix ans de plus en costume-cravate. Qui sait, j’aurais peut-être eu mes chances ? Inutile de rêver, elle était mariée, et elle n’aurait jamais fait attention à un branleur de mon âge... Faute d’entretenir le moindre espoir de la séduire, je la regardais pendant que les écouteurs de mon iPhone me crachaient du punk californie­n dans les tympans. Mes yeux s’attardaien­t sur ses épaules larges, ses bras musclés, ses poignets ceints de bracelets en or qui tintaient quand elle raturait des mots. Elle n’était pas menue comme ces meufs qui font penser à des brindilles et qu’on a peur de briser rien qu’en soufflant dessus. Non, elle, c’était un arbre, solide et majestueux. Un arbre dans le genre de ceux que je voyais défiler par la fenêtre : un peuplier, au tronc bien droit, fermement planté dans le sol, et qui s’épanouissa­it en branches feuillues sur la moitié de sa longueur. Elle avait de beaux seins pleins et larges, placés haut sur le buste, qui tendaient le tissu de sa chemise. Entre les boutons, qui travaillai­ent dur pour maintenir les deux pans fermés, on distinguai­t la dentelle noire de son soutien-gorge. De la jolie lingerie. À tous les coups, elle portait la culotte assortie. Ne pas y penser. Non, ne pas imaginer la maille noire transparen­te, plaquée sur sa toison fournie, dont s’échappaien­t quelques poils rebelles. Ne pas visualiser le point de

jonction humide entre ses deux cuisses fermes. Putain, comme ça me donnait soif !

J’ai sorti la bouteille de Coca que j’avais coincée dans ma poche de jean, et comme un con, j’ai oublié que j’avais couru pour attraper le train. Résultat : la mousse a giclé de partout, mais surtout sur mon T-shirt. La belle brune, interrompu­e dans son exercice de rédaction par le « pschitt » de la canette, n’a pas manqué de me décocher un regard que j’interpréta­i comme réprobateu­r. De quoi avais-je l’air maintenant ? En plus d’être maladroit, je faisais vraiment clodo avec ces auréoles brunes plein mes vêtements. J’ai filé aux toilettes pour me nettoyer. J’y suis resté longtemps. C’est pas simple de faire une lessive avec le mince filet d’eau qui s’écoule du robinet des chiottes. Pendant ce temps, le train a marqué un arrêt. L’annonce disait : gare d’Angoulême. Quand je suis revenu à ma place, elle avait disparu, sa valise aussi. La parenthèse enchantée était finie. Le TGV a repris sa route, et j’ai regretté de ne pas avoir pu lui jeter un dernier regard, ne serait-ce que pour établir un lien, une connivence, juste quelques secondes. Un sourire, si j’avais eu le cran… Elle me l’aurait peut-être rendu. Mais à quoi bon y penser ? Elle était partie.

J’ai bullé jusqu’à l’annonce du terminus. Avant de quitter mon siège, j’ai voulu tej la bouteille de Coca à la poubelle. C’est alors que j’ai vu la boulette de papier. Je n’ai pas pu m’empêcher de la rafler. Sur le quai de la gare, je me suis assis sur un banc pour la défroisser… Et j’ai lu. Au jeune homme qui est assis en face de moi, Je rédige cette lettre, sans savoir si je vous la donnerai. À dire vrai, j’aurais préféré vous parler, ç’aurait pu être une agréable récréation. Mais je n’en ferai rien. Plus je vous regarde, plus vous me semblez émotif, il est évident que je ne gagnerais rien à vous aborder. Alors, faute de vous adresser la parole directemen­t, je vous écris, pour passer le temps mais aussi pour mon plaisir.

Quand je suis arrivée dans le wagon, et que nos regards se sont croisés, j’ai été frappée par votre physique d’Apollon : une gueule d’ange sur un corps d’athlète. Ce mélange subtil de délicatess­e et de virilité est rare. Ne croyez pas que je dis ça à tout le monde. En matière d’hommes, je suis du genre à faire la difficile. Vous ne pouvez pas ignorer que vous avez une plastique hors du commun… Vos traits délicats, vos yeux enjôleurs, votre teint doré, votre sourire à faire chavirer les coeurs, vos mèches blondes rebelles… Les filles doivent vous tomber dans les bras. Vous me faites penser à un acteur hollywoodi­en. Un jeune premier, comme on dit. Le genre d’hommes qui n’existe habituelle­ment que derrière l’écran. Sauf qu’aujourd’hui, vous êtes là, devant moi, dans le TGV. Vous regarder, c’est faire l’expérience de la beauté faite chair. Je suis tiraillée entre désir et admiration. Je ne connais pas votre nom, mais j’imagine que vous vous appelez Amaël. L’agencement si fluide de consonnes et de voyelles vous va à ravir. À bien y réfléchir, vous ne pouvez pas vous prénommer autrement. Je ne sais pas non plus quel âge vous avez, 23, 25 ans tout au plus. En tout cas, beaucoup moins que moi, qui viens de souffler mes quarante bougies. Je pourrais presque être votre mère… Mes enfants sont encore petits. Cinq bambins : trois garçons, deux filles, que je vais chercher chez leur mamie avant de descendre dans le Sud, où mon mari doit nous rejoindre. Mon mari… Ça fait plus de douze ans qu’on se connaît. Notre couple a résisté bon gré mal gré aux grossesses répétées, aux nuits sans sommeil, aux petits bobos des uns et des autres, et cela relève du miracle. Mais ce n’est plus comme avant. Une routine faite de tendresse et d’échanges de chastes caresses s’est installée. Mon mari me trouve encore belle et me le dit souvent, même s’il n’est pas prompt à me le prouver par les gestes que j’attends. Dans ses yeux, je ne perçois plus la même étincelle qu’au début. C’est drôle, quand vous m’avez regardée, j’ai eu le sentiment que pour vous, j’existais de nouveau comme cette femme outrageuse­ment désirable que j’ai incarnée jadis… J’y ai lu la promesse d’une fougue propre à la jeunesse et à ses passions. Et ça m’a fait tout drôle. C’était comme une réminiscen­ce de mes belles années. J’ai bien pensé à vous draguer… Après tout, les vacances commencent, n’ai-je pas le droit à un petit quatre-heures ? Je mentirais si je disais que c’est la première fois. J’ai déjà commis quelques incartades, mais jamais avec un si jeune garçon. Alors, je me suis ravisée, par peur des conséquenc­es. À mon âge, on cherche à déguster la légèreté de l’instant, au vôtre, les sensations et les sentiments sont multipliés par mille. Vos hormones bouillonne­nt, je le vois bien dans votre regard qui, difficilem­ent, tente de décrocher de mon décolleté... Et si, à l’inverse, vous ne me cédiez que pour faire l’expérience d’une femme mature, je serais terribleme­nt vexée. Voyez ? Il n’y a pas d’issue.

Mais pourquoi s’empêcher de rêver ? Alors j’y vais, bien que je n’aie plus ni 15, ni 20, ni 25 ans, je me lance, comme une midinette ; je me vautre dans des scénarios imaginaire­s qui me rendent ce voyage piquant et agréable… Peut-être en sera-t-il de même pour vous, si je me décide à vous donner cette lettre ? Je dois avouer que je suis troublée à l’idée que vous lisiez toutes ces choses secrètes et obscènes que je projette sur vous.

Dans mon rêve, donc, j’imagine que j’ôte discrèteme­nt une sandale, et que j’allonge ma jambe vers vous. Mon pied nu vous surprend, lorsque je l’appuie contre votre mollet. Oh, bien sûr, vous êtes étonné. Vous tressaille­z, mais vous ne vous dérobez pas. Vous souvenez-vous ? C’est mon rêve !

Votre regard plonge dans le mien tandis que mes orteils remontent le long de votre jean. Et, quand ils atteignent la

braguette, gonflée par l’impatience de mes caresses, vous vous immobilise­z. Nous fermons les yeux de concert, pour mieux apprécier le contact : moi, je mouille de sentir la fermeté du pénis que je fais rouler sous ma voûte plantaire, et vous, Amaël, vous savourez l’audace de mon geste. Vous vous délectez de mes petites attentions coquines. Soudain, je sens une pression contre ma peau. Vous me faites du pied, à votre tour. J’ouvre grand les cuisses pour vous signifier mon accord, vous indiquer la voie à emprunter. Votre chaussure glisse sur mon épiderme hérissé de frissons, atteint mon entrejambe. Je m’arc-boute sous l’effet de la vague voluptueus­e qui m’emporte au moment de l’impact. Une boule de chaleur explose dans mon bas-ventre. Alors nous rouvrons les yeux pour savourer notre complicité… Ô miracle ! Tous les voyageurs sont immobiles, comme des poupées de cire. Ils sont restés figés dans la position où nous les avons laissés, le regard fixe. Le train, lui aussi, a cessé de rouler. Les vaches qui paissent dans le pré que nous traversons ne bougent pas d’un poil. Les nuages ont interrompu leur course. Le temps semble s’être arrêté, comme par magie. Mais tout cela m’impression­ne moins que le sourire rayonnant que vous m’adressez en me masturbant. Je fonds sur mon siège, d’un liquide visqueux qui inonde mes cuisses tremblotan­tes. Je ne tiens plus en place, il faut que je vous touche. Telle une chatte agile, je passe au-dessus de la tablette pour m’asseoir sur vos genoux, jambes écartées. Vous relevez l’accoudoir afin de faciliter mes mouvements. Et j’y suis, enfin, collée à vous. Je peux faire courir mes mains sur votre visage angélique, encadré de mèches blondes… Votre peau d’abricot, légèrement hâlée, appelle mes caresses. J’en apprécie la douceur ineffable sous la pulpe de mes doigts. Amaël : vous n’êtes pas un rêve, vous existez bel et bien, et vous vous donnez à moi. Il me suffit de glisser la langue entre vos lèvres tièdes, de déguster vos sucs, pour comprendre combien vous êtes réel. Un homme de chair et de sang, rien que pour moi.

Les premiers attoucheme­nts passés, vos pulsions masculines reprennent le dessus. Mon baiser fouette votre désir de me posséder. De bel ange, vous devenez démon. Vous retroussez ma jupe, et empoignez mes fesses pour m’attirer plus près de vous. Une pression sur mes reins me plaque contre votre braguette. Je sens votre érection battre contre mon sexe bouffi d’excitation. Mon clitoris palpite à grands coups. Vous le soulagez d’une main glissée sous le tulle de ma culotte. Vos phalanges électrisen­t mon bouton échauffé, taquinent l’entrée gluante de mon vagin, mais aucune friction ne suffit à satisfaire mon appétit. Vous sentir en moi, faire corps avec votre virilité… Je bataille avec vos boutons de jean pour libérer l’objet de ma convoitise. Tiens ! Vous ne portez pas de slip. L’accès à votre belle hampe endurcie n’en est que plus facile. Ma culotte déviée, je m’empale sur vous d’un seul coup. Quelle libération ! Je vous absorbe en une bouchée. Mon sexe s’épanouit autour de votre queue providenti­elle. Je savoure son calibre et sa fermeté en balançant de haut en bas. Les frictions allument un incendie en moi. Les vannes du plaisir lâchent… Puis, vous prenez le relais. Les ongles enfoncés dans le gras de mes fesses, vous me faites rebondir sur vos cuisses. Vos mouvements de bassin énergiques me font voir des étoiles. Je sens les va-et-vient de votre pénis avec une acuité décuplée. Mes parois internes chauffent. Vous ne vous contrôlez plus. Tout en me ramonant, vous écartelez mes fesses à deux mains, comme si vous vouliez me déchirer. Mon anus, contraint à l’ouverture, bâille autant que ma chatte martelée au plus profond. Mais c’est quand vous m’embrassez à pleine bouche que j’explose. L’orgasme arrive par rafales, je tressaille et me contorsion­ne sous la déferlante de spasmes, et vous aussi, vous jouissez… Incapable de résister aux contractio­ns de mon sexe, vous m’assenez des coups de reins d’une violence magistrale, en inondant mon con de votre semence chaude. Baignant dans une liqueur visqueuse, nos sexes restent englués l’un à l’autre, nos bouches soudées, nos langues enlacées… Nos derniers soupirs, résidus de nos cris bestiaux, s’accordent en un baiser. Des larmes brouillent ma vue. L’orage passé, nous ne pouvons pas nous résoudre à conclure l’étreinte. Quelque chose me dit que si nous nous séparons, le charme sera brisé, la vie reprendra son cours… Le train repartira dans sa course folle… Et plus rien de mon délire sensuel n’existera.

À l’issue de la lecture, mes joues brûlaient. Le sang battait dans mes tempes. Fébrilemen­t, j’ai lu et relu le texte, tourné et retourné la lettre pour dénicher une adresse, un numéro de téléphone, mais je ne trouvai pas l’ombre d’un indice. J’enrageais littéralem­ent, incapable d’accepter la conclusion : nous aurions pu vivre quelque chose elle et moi, mais elle était partie, rechignant même à me donner cette lettre. Et puis, la colère passée, je me suis résigné à accepter la vérité. Elle m’avait laissé seul, aux prises avec ce fantasme dont le spectre me hanterait aussi longtemps que je me souviendra­is de sa silhouette statuaire, coincée dans ce carré de la voiture 18.

 ??  ?? Cette nouvelle est extraite du recueil de nouvelles d’Octavie Delvaux,
À coeur pervers, paru aux éditions La Musardine, en avril 2016.
Cette nouvelle est extraite du recueil de nouvelles d’Octavie Delvaux, À coeur pervers, paru aux éditions La Musardine, en avril 2016.

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