Causette

Paroles de « drague queens »

- PROPOS RECUEILLIS PAR CLARENCE EDGARD-ROSA

ADELINE

« Moi qui suis charmeuse, mais un peu timide, j’ai vite trouvé mes marques sur Tinder, où je me sens invincible derrière mon clavier. Je n’hésite pas à engager la conversati­on alors que, en vrai, je n’y vais que si je sais que c’est tout cuit. Là, ça l’est, puisque pour dialoguer, les deux profils se sont “likés” au préalable. Du coup, j’ai développé une réelle aptitude au badinage 2.0 et je m’adapte au mec, du flirt mignon à la correspond­ance érotique, voire carrément trash si le coeur (et surtout le cul) y est. Lors de la rencontre IRL, même s’il y a une peur de décevoir et d’être déçue, le contexte faisant que chacun sait qu’on n’est pas là pour enfiler des perles me rend assez à l’aise avec la drague et je n’hésite pas à emprunter les codes classiques. Je dis des trucs que j’aurais jamais pensé pouvoir dire (“J’ai envie de t’embrasser”, “tu m’excites”, “viens on s’en va, car j’ai très envie de faire l’amour”, etc.). Des trucs que je laissais aux mecs. »

YASMINA

« En week-end avec des amis, je rencontre ce garçon avec qui le courant passe. À l’aube, alors que tout le monde commence à aller se coucher, il me demande où je dors. “Là-haut avec les filles.” Il me dit : “Moi, dans la chambre juste là.” Sans rien dire, je m’éclipse, me faufile dans la chambre qu’il m’a indiquée et me glisse toute nue dans son lit. À la question “Qu’est-ce que tu fais là”, j’ai répondu : “Je t’attends.” Il a éteint précipitam­ment sa clope, fermé la porte et moi, j’arrête ici le récit. »

Cathy

« J’étais avec des amis, dans une boîte avec une piste en contrebas. Le type qui m’intéressai­t (gros biscoteaux mais bien désemparé devant une fille sûre d’elle) était plus haut. Un balcon servait de garde-corps. J’ai pris appui sur le petit balcon et suis montée à sa hauteur. Je lui ai dit quelque chose dont je ne me souviens plus, avec dans les yeux un “toi, je vais te manger”. Je suis redescendu­e. Et j’ai recommencé, l’ai attrapé par la manche et lui ai roulé une grosse pelle. Il m’a proposé d’aller dans sa voiture. Moi, toute souveraine de ma vie, je lui ai dit que j’avais des goûts de luxe et préférais faire ça au chaud, dans mon lit. Il était tétanisé. Pour moi, ce n’était même pas une question d’assurance, j’étais juste dans l’envie du moment. Concentrée sur mon désir. C’était il y a vingt ans. »

Sybille

« J’ai mis longtemps à trouver le courage de draguer. Quand j’y suis enfin arrivée, à 20 ans, je draguais comme un kéké des plages. C’està- dire que je devais tellement sortir de moimême pour y arriver que je ne me ressemblai­s pas du tout. Je balançais du gros cliché (“Et sinon, t’es venue toute seule ?”), c’était à chier. Les filles me prenaient pour une idiote et elles avaient raison. Il m’a fallu des années de timidité avant de devenir une sorte de Franck Dubosc et cinq ans de Franck Dubosc pour arriver à draguer naturellem­ent, simplement… À être moi. Ça fait long, je vous le dis. »

Aude

« Je suis une meuf qui drague. Par jeu, par défi, par empresseme­nt, par goût… Peut-être y a-t-il derrière cela une volonté de “contrôler”, de m’arranger pour que ça se passe comme je l’entends. Par exemple, si je veux du romantisme, je l’induis. Concrèteme­nt, ça va de l’abordage classique dans un bar en passant par l’invitation au resto (je paie la note) et jusqu’à l’envoi de fleurs, pour m’excuser, le lendemain d’une nuit où j’ai dû m’éclipser d’une chambre un peu précipitam­ment. Je crois ne m’être jamais pris de râteau. Je compliment­e, j’écoute, je frôle, caresse, touche, ris aux blagues, fixe les regards… Je propose. »

Denisa

« Au lycée, j’ai mis ma culotte – sale, bien entendu – dans le casier du mec qui me plaisait. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai fait ça. Je ne sais toujours pas draguer. »

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