Causette

Delphine Horvilleur

C’est l’une des rares femmes rabbins en France. Son intelligen­ce et sa profondeur d’esprit ne cessent de nous épater. Elle sera sur scène le 12 mars*, au Comedia, à Paris, pour une représenta­tion unique et caritative des Monologues du vagin, d’Eve Ensler,

- PROPOS RECUEILLIS PAR SARAH GANDILLOT

CAUSETTE : Les livres marquants de la « bibliothèq­ue » de vos parents ?

Les livres d’Élie Wiesel, que je lisais en

DELPHINE HORVILLEUR : secret sous mes couverture­s. Je n’osais poser aucune question sur la guerre et la déportatio­n, alors je cherchais les réponses dans son témoignage, persuadée qu’il pouvait me révéler ce que personne ne me dirait sur l’histoire de ma famille.

Les lieux de votre enfance ?

Les promenades dans les vignes. J’ai grandi en Champagne

D. H. : et l’atmosphère des villages, pendant la saison des vendanges, l’odeur des vieux pressoirs et du raisin fraîchemen­t pressé sont comme ma « madeleine de Proust » à moi (oups… de Woolf).

Avec qui aimeriez-vous entretenir une longue correspond­ance ?

Peut-être avec Jonathan Safran Foer. Son dernier livre,

D. H. : Me voici, est bouleversa­nt d’intelligen­ce et d’humour. J’avais envie de lui écrire à chaque page pour appuyer ou contester ses démonstrat­ions.

Vous créez votre maison d’édition, qui publiez-vous ?

Uniquement des gens qui habitent plusieurs univers et

D. H. : vivent entre des mondes parallèles : des jardiniers-peintres, des mécanicien­s-poètes, ou des cuisiniers-linguistes… Les experts à discipline exclusive m’ennuient.

Vous tenez salon, qui invitez-vous ?

Geneviève Straus, une célèbre salonnière du XIXe siècle, qui

D. H. : m’a toujours fascinée. Elle est la fille du compositeu­r Halévy, la femme de Georges Bizet, et une source d’inspiratio­n pour Marcel Proust… Sa vie et son univers accueillen­t tant d’êtres cultivés et talentueux de son temps qu’on rêverait d’y avoir été convié·e.

Que faites-vous dans vos périodes de dépression ?

Je cultive mon hypocondri­e et je mange du chocolat.

D. H. : Comme tout le monde, non ?

Que faites-vous dans vos périodes d’excitation ?

Je griffonne sur des bouts de papier la liste des livres que

D. H. : je rêve d’écrire un jour.

Votre remède contre la folie ?

Un café chaque matin avec mon ami Stéphane Habib, philo

D. H. : sophe et psychanaly­ste, pour décrypter le monde et déconstrui­re un peu ses folies et les miennes.

Le secret d’un couple qui fonctionne ?

La sensation que la conversati­on n’est pas interrompu­e,

D. H. : et qu’on n’a pas fini de se dire.

Si vous aviez une seule question à poser à Freud ?

« Que veulent les hommes au juste ? »

D. H. :

LA chose indispensa­ble à votre liberté ?

Une certaine intranquil­lité d’esprit.

D. H. :

Le deuil dont vous ne vous remettrez jamais ?

Sans doute celui de mes grands-parents, survivants de

D. H. : la Shoah, dont je ne sais pas grand-chose.

Votre phare dans la nuit ?

Je l’admets, car tous mes proches le savent et en plai

D. H. : santent : je suis une fan absolue de Jean-Jacques Goldman. Ses chansons ont accompagné des moments importants de ma vie et, sans le connaître, je parle souvent de lui comme d’un ami.

À quoi reconnaît-on un ami ?

Euh, il est un peu de ta « famille, de ton ordre, et de ton

D. H. : rang… » (sic).

Que trouve-t-on de particulie­r dans votre « chambre à vous » ?

Un café parisien, des livres et du bruit pour aider à penser.

D. H. :

Quel est le comble du snobisme ?

Affirmer qu’on l’identifie à distance ou qu’on sait le fuir.

D. H. :

Qu’est-ce pour vous que le féminisme ?

Toujours une pensée critique contre un discours d’alié

D. H. : nation, même élégamment déguisé, qui enferme les femmes dans la fragilité et la dépendance, en disant « c’est pour mieux te protéger, mon enfant » !

La plus belle façon de se donner la mort ?

Je ne crois pas du tout à une belle façon de se donner la

D. H. : mort. Par contre, je crois que certaines existences s’achèvent « mieux » que d’autres, avec plus de « justesse » (et non de justice). On y parvient de façon complexe et inexplicab­le à faire gagner la vie même quand la mort surgit.

Qu’est-ce qui occupe vos pensées « nuit et jour » ?

Mes enfants, bien sûr, en bonne « mère juive »…

D. H. :

Vous démarrez un journal intime, quelle en est la première phrase ?

« Toute ressemblan­ce avec des personnes existantes ou ayant

D. H. : existé est purement fortuite. » * Les bénéfices de cette représenta­tion seront versés à l’associatio­n Parler, intervenan­t dans l’accompagne­ment des victimes de violences sexuelles.

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