Causette

Les sorties cinéma

Ouaga Girls ou comment chahuter joyeusemen­t les préjugés. Les héroïnes de ce documentai­re vivifiant apprennent le métier de mécanicien­ne au Burkina Faso. Les mains dans le cambouis et des rêves plein la tête… Explicatio­ns avec sa jeune réalisatri­ce, There

- PAR ARIANE ALLARD

CAUSETTE : Pourquoi avez-vous souhaité filmer le quotidien de Bintou, Chantale et Dina, trois jeunes filles apprenties mécano vivant au Burkina Faso ?

Quand j’avais leur âge, je vivais moi aussi

THERESA TRAORE DAHLBERG : à Ouagadougo­u [la capitale du Burkina Faso, ndlr]. J’étais donc curieuse de découvrir ce que cela pouvait signifier, aujourd’hui, d’être une jeune fille de 16, 17 ans à Ouaga. Soit vingt ans après moi. Ce qui m’a intéressée chez elles, c’est qu’elles ne sont pas devenues des pionnières par choix. Au départ, ce sont des filles normales, qui ont atterri dans cette école de mécanique après avoir quitté le lycée pour différente­s raisons (grossesse précoce, tensions familiales, etc.). Pour elles, c’est juste un moyen de trouver du boulot. J’avais très envie de les suivre à l’école, mais aussi chez elles ou quand elles sortaient faire la fête. Je voulais saisir ce moment si particulie­r de la vie qu’est l’année précédant l’entrée dans l’âge adulte.

Ouaga Girls est un récit d’apprentiss­age qui met en avant des parcours féminins avec humour et émotion. Inhabituel dans le cinéma africain…

Le côté « humour/émotion » vient en partie du fait que

T. T. D. : je filme cette poignée de filles dans leur vie quotidienn­e. La vie peut être drôle et tragique, souvent en même temps ! Mon défi, en tant que cinéaste, consistait à me servir de ce réel pour le transforme­r en quelque chose de plus poétique, de plus personnel. Après, si Ouaga Girls vous semble inhabituel, c’est aussi parce que j’ai souhaité créer un film qui permette de se sentir fière, remplie d’espoir, donc plus puissante en sortant du cinéma. J’ai passé ma vie à regarder la télé ou des films. Or, même quand j’étudiais le cinéma à la fac, j’ai vu très peu de longs-métrages réalisés en Afrique qui ne parlaient pas de pauvreté, de guerres ou de maladies…

Au-delà de ses qualités artistique­s, Ouaga Girls résonne aussi de façon politique. Le considérez-vous comme un film féministe ?

Oui, tout à fait. Je me considère comme une féministe

T. T. D. : intersecti­onnelle [c’est-à-dire devant lutter à la fois contre le sexisme et le racisme]. Mon film adopte le seul point de vue des filles. Elles sont les héroïnes de Ouaga Girls, pas seulement la femme, l’amoureuse ou la mère du personnage principal. Tout est centré sur elles, volontaire­ment ; l’idée étant de leur laisser assez de temps et d’espace pour qu’elles puissent montrer les différente­s facettes de leurs personnali­tés, leurs vécus, leurs espoirs, leurs rêves. Et Dieu sait que leurs personnali­tés sont complexes !

Une autre notion sert également de… moteur à votre documentai­re : la solidarité entre femmes. Un sujet d’actualité, pas seulement au Burkina !

Taxi Sister, mon film précé

T. T. D. : dent, que j’ai réalisé il y a sept ans, abordait déjà ce sujet. J’espère que de plus en plus de films en parleront à l’avenir. Nous, les femmes, avons besoin de nous aider les unes les autres. Pour faire reconnaîtr­e les injustices et lutter pour nos droits. Ensemble, on est plus fortes. C’est aussi ce que j’ai voulu raconter à travers cette histoire d’amitié entre Bintou, Chantale et Dina.

Ouaga Girls, de Theresa Traore Dahlberg. En salles.

 ??  ?? Ouaga Girls, de Theresa Traore Dahlberg. Un récit d’apprentiss­age, plein d’humour et d’émotion.
Ouaga Girls, de Theresa Traore Dahlberg. Un récit d’apprentiss­age, plein d’humour et d’émotion.
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