“À Paris, notre lycée, on l’a occupé seules”
Dominique Sissmann, 65 ans, ancienne professeure de lycée.
« Pour nous, c’était la libération. J’étais en seconde dans un établissement de filles, le lycée Lamartine, à Paris. On était très réprimées, on portait des blouses et on ne voyait pas l’ombre d’un garçon. En 1968, j’ai occupé mon lycée et, avec une bande de copines, on a été contactées par la Ligue * et on est rentrées dans les Comités rouges. On était juste à côté du lycée Jacques-Decour, où il y avait des grands leaders comme Michel Recanati. On était impressionnées par l’audace des garçons qui venaient nous aider, on essayait de faire pareil, d’être à la hauteur. Notre lycée, on l’a occupé seules. On était anonymes, mais pour nous, c’était super. J’ai l’impression d’être née à ce moment- là. On faisait des commissions, je me souviens de beaucoup de débats sur l’éducation des enfants, sur les kibboutz, on passait notre temps à parler, de tout… sauf des rapports hommes-femmes. Ce n’était pas à l’ordre du jour. Ce n’est que dans les années 1970 que je me suis rendu compte qu’on était des petites mains. À ce moment-là, d’autres choses très importantes se jouaient. Est-ce qu’on souffrait du machisme ? On acceptait, on n’était pas malheureuses, on était même consentantes. Il a fallu du temps pour le remettre en question, ça venait de plus loin que tout le reste. »
* Ligue communiste révolutionnaire (LCR).